«La Famille Bélier», démoli par une journaliste anglaise sourde
CINEMA•La comédie d'Eric Lartigau est, selon Rebecca Atkinson, «une nouvelle insulte cinématographique à la communauté sourde». Explications...Anne Demoulin
Dans La Famille Bélier, une famille d’agriculteurs, tout le monde est sourd sauf Paula, qui se découvre au lycée un don pour le chant. La comédie La Famille Bélier, réalisé par Eric Lartigau, semble taillée pour le succès, à la façon d’Intouchables ou de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu?. Comme eux, jugés racistes aux Etats-Unis, La Famille Bélier, vendu dans 85 pays, ne fait pas l’unanimité dans la presse étrangère. Rebecca Atkinson, journaliste au quotidien britannique The Guardian, a publié une chronique sévère sur le long-métrage.
«Moins “feel-good” que “feel-bad”»
Dans les colonnes du Guardian, Rebecca Atkinson, journaliste sourde de naissance, dénonce «une nouvelle insulte cinématographique à la communauté sourde», «moins “feel-good” que “feel-bad”». «Le film est insensé et ne représente pas bien la vie réelle des sourds», explique-t-elle. Rebecca Atkinson déplore la «paresse» des scénaristes, empruntant à de nombreuses histoires semblables.
«Des comédiens sourds talentueux»
La journaliste regrette également que des acteurs entendants interprètent le rôle des sourds. Pour elle, le résultat est «une représentation embarrassante et irrespectueuse de la culture sourde et du langage des signes». Elle critique la «frilosité des studios de cinéma à ne pas vouloir mettre en avant des comédiens sourds talentueux».
«Les signes sont trop rapides et trop saccadés»
Une critique déjà émise par certains journalistes et associations de sourds en France. «Le film a suscité une vive controverse dans la branche radicale de la communauté sourde parce qu'Eric Lartigau a choisi des stars entendantes (François Damiens et Karin Viard) plutôt que de faire appel à des comédiens sourds», explique Viguen Shirvanian, sourd de naissance et auteur du blog cinéma Le Passeur Critique à Première.
«Ils ont juste pris quelques entendants et leur ont fait bouger les mains», déplore encore Rebecca Atkinson. «Leur niveau en LSF (langue des signes française) n'est pas exactement au point, surtout pour Karin Viard, dont les signes sont trop rapides et trop saccadés. Ils sont assez incompréhensibles pour les sourds signants, qui ont même dû lire les sous-titres», explique ainsi Viguen Shirvanian. Un comble!