CINEMAVIDEO. «The Tribe» laisse la violence éclater en silence

VIDEO. «The Tribe» laisse la violence éclater en silence

CINEMATourné avec de jeunes sourds en langue des signes non sous-titrée, «The Tribe» est une expérience de cinéma radicale, vertigineuse et passionnante...
Stéphane Leblanc

Stéphane Leblanc

Tendresse et brutalité qui se fondent en un ballet des corps spectaculaire et vertigineux. C'est The Tribe, film ukrainien qui dévoile, sur fond de racket et de prostitution, le quotidien de jeunes sourds joués par de vrais sourds, dans une langue des signes que le réalisateur Myroslav Slaboshpytskiy a tenu à laisser en l’état, sans sous-titre.

Il suffit d'ouvrir les yeux pour tout voir et tout comprendre, comme dans un film muet. «Sauf qu’il s’agit d’un film sourd», rigole Miroslav Slaboshpytskiy qui a privilégié les longs plans séquences où l’on distingue bien les personnages dans leur entier. «Car les sourds utilisent tout leur corps pour communiquer», estime-t-il, quitte à laisser le spectateur assez éloigné du groupe. Et vu l’effroi que provoquent certaines scènes, on lui en sait gré...



«Je ne voudrais pas qu’on pense que le film ne tourne qu’autour du sexe et de la violence, même si mon personnage se prostitue pour mettre un peu d’argent de côté. Il y a d’autres sentiments derrière», confie la blonde et jeune héroïne du film, Yana Novikova. A Cannes, elle cumulait toutes les premières fois: premiers pas de comédienne, premier film, premier festival et deux prix à la Semaine de la critique… «J'avais le cœur qui battait fort, mais c’était la reconnaissance que j’avais fait le bon choix de carrière», raconte celle qui dit s'être inspirée de La Vie d’Adèle pour trouver le courage de se mettre nue devant la caméra et qui, après s'être longtemps ennuyée dans des études de mécanique, commence à recevoir des propositions provenant du monde entier.

Agressifs et odieux

L'atout du film, outre sa langue des signes, propice à exporter le film un peu partout, c'est son sujet, universel lui aussi. Ces délinquants-là ressemblent à ceux qu'on croise n'importe où. «Quand j’étais lycéen au temps de l’Union soviétique, on était moins obsédés par l’argent, mais les mêmes crimes étaient déjà fréquents, se rappelle le réalisateur. Certains de mes camarades ont même été condamnés.»

Yana Novikova acquiesce: «A l'institut pour jeunes sourds, racket et bagarres ne sont pas rares, les avortements non plus. J'ai eu connaissance de viols également. La plus grande erreur serait de croire que les sourds, parce qu’ils sont sourds, sont forcément gentils et charmants. Ils sont comme tout le monde, ils peuvent être agressifs et odieux.»