Rachid Bouchareb met Forest Whitaker sur «La voie de l'ennemi»
CINEMA•Pour son premier film tourné aux Etats-Unis, Rachid Bouchareb signe un polar d'une noirceur extrême...Caroline Vié
Rachid Bouchareb rêvait de diriger Forest Whitaker depuis longtemps. Il concrétise ce désir avec La voie de l’ennemi, polar sombre librement inspiré de Deux hommes dans la ville (1973) de José Giovanni. Forest Whitaker y incarne un détenu qui revient dans sa petite ville près de la frontière du Mexique après avoir passé dix-huit ans en prison. «Sa détention a totalement changé mon personnage, précise l’acteur. Il s’est converti à l’islam et ne rêve que de se racheter en menant une vie normale».
Dans l’ombre du passé
Le shérif, qui ne lui a pas pardonné la mort de son adjoint, et son ancien complice essayent de le faire replonger tandis que sa compagne et sa conseillère en réinsertion le soutiennent. «Les femmes ont un rôle très positif dans ce film, ce qui est plutôt rare dans les polars», précise Brenda Blenthyn qui incarne l’agent de probation. Elle ne parvient cependant pas à tirer son poulain des griffes d’Harvey Keitel, flic revanchard et de Luis Guzman, mafieux violent. «Il n’est pas facile de mettre son passé de côté, dit Forest Whitaker. Les bonnes intentions ne sont parfois pas suffisantes pour se tirer d’affaires».
La peur de l’autre
L’immigration clandestine et ses victimes sont au centre du premier film américain du réalisateur d’Indigènes (2006). «L’Amérique est riche de différentes cultures, explique Whitaker, mais, depuis le 11 septembre, les gens ont peur de tout ce qui est différent d’eux. C’est à cette angoisse qui se heurte cet homme auquel son parcours ne laisse aucune chance». Les paysages écrasés par le soleil du Nouveau Mexique écrasent les protagonistes comme le spectateur pris au piège d’une intrigue tragique. Rachid Bouchareb signe son film le plus abouti avec ce conte d’une intense noirceur porté par des comédiens remarquables. Il semble avoir saisi l’essence de l’Amérique.