«Boire, aimer, chanter»: Pour son producteur, Alain Resnais «a mis en scène sa propre fin»
CINEMA•Jean-Louis Livi a produit les trois derniers films d'Alain Resnais. Il évoque son admiration et son amitié pour le réalisateur d'«Aimer, boire et chanter»...Caroline Vié
Jean-Louis Livi a commencé à produire les films d'Alain Resnais avec Les herbes folles (2009). Le merveilleux Aimer, boire et chanter, ultime sourire du grand cinéaste décédé en février dernier, marquera leur dernière collaboration alors qu'ils préparaient déjà un nouveau projet baptisé ironiquement Arrivée Départ. «Alain Resnais est resté merveilleusement lucide jusqu'au bout», précise le producteur, neveu d'Yves Montand, qui a rencontré le cinéaste pour la première fois au milieu des années 60 parce qu'il tournait La guerre est finie avec son oncle. «Son intelligence m'avait déjà subjugué», se souvient-il.
Le conte malicieux d'un éternel jeune homme
Cette intellligence pétille dans Aimer, boire et chanter où trois couples de comédiens explorent la carte du Tendre et du Cruel pour célébrer les derniers moments d'un ami atteint d'une maladie incurable. «C'est un film féministe, explique Jean-Louis Livi. Les femmes y sont fortes et les hommes y sont lâches». Ce doux délire inspiré d'une pièce d'Alan Ayckbourn (Smoking/No Smoking, porté à l'écran par Resnais en 1993) a été très difficile à financer. «Il a fallu qu'Alain Resnais lui-même se déplace pour défendre son projet au CNC, se souvient le producteur. Heureusement qu'il existe encore des chaînes de télévision fidèles et aventureuses comme Canal+ ou France 2».
Un auteur toujours novateur
Des acteurs familiers (Sabine Azéma, André Dussollier, Hippolyte Girardot et Michel Vuillermoz) ou de nouvelles venues (Sandrine Kiberlain, Caroline Silhol) ont répondu présents au cinéaste. «Les comédiens ont accepté des conditions financières qui ne correspondaient pas à leur valeur, dit Jean-Louis Livi. C'est grâce à eux qu'on a pu monter le projet». Le prix Alfred-Bauer, Ours d'argent récompensant le film le plus novateur de la compétition berlinoise, est venu couronner Aimer, boire et chanter. «Alain était un homme délicieux et modeste, conclut-il. Quand on le voit sur l'affiche du film créée par le dessinateur Blutch, veillant sur ses acteurs depuis le ciel, on se dit qu'il a mis en scène sa propre fin». Ce grand monsieur nous manque déjà.