Un coffret d'une cinquantaine de DVD et Blu-ray rend hommage à Eric Rohmer
CINEMA•Retour sur le dernier entretien accordé par le cinéaste à «20Minutes» alors que ses films restaurés ressortent en salle et que son oeuvre est éditée dans un coffret de DVD et Blu-ray...Stéphane Leblanc
25 longs-métrages dont 22 restaurés, et de nombreux courts et documents rassemblés dans Eric Rohmer l'intégrale, un coffret d'une cinquantaine de DVD et Blu-ray par Agnès b et Potemkine: de quoi rendre hommage au cinéaste qui avait reçu 20 Minutes quelques mois avant sa mort en janvier 2010… Pour ce faire, nous avons choisi la forme de l’acrostiche, du nom de ces poèmes dont les premières lettres de chaque vers forment un mot quand elles sont lues verticalement.
R, comme romanesque
Cinéaste moderne, mais lecteur assidu de classiques de la littérature, Rohmer a toujours considéré qu’une histoire, au cinéma, ne pouvait qu’être romanesque. Il a pourtant très peu adapté de romans. «Pour en avoir envie, il faut que j’ai un coup de foudre, nous expliquait-il, comme pour La Marquise d’O, Perceval le Gallois ou L’Astrée… Sinon, je trouve qu’un bon roman se suffit généralement à lui-même. Lutter contre Balzac ou Dostoïevski, c’est difficile. Leurs romans sont déjà mis en scène.»
O, comme œuvre
Celle de Rohmer n’est pas très imposante: vingt-cinq longs métrages. Avait-il un regret, un sujet qu’il aurait aimé traiter ? «Hé bien non, lâchait-il. J’ai beaucoup de chance, mais j’ai réussi à faire tous les films que j’ai eu envie de faire. En fait, j’ai plutôt eu de a difficulté à trouver des sujets. Je ne suis pas prolixe comme Bergman, par exemple. Je n’ai fait que 25 films, mais je n’ai plus rien dans mes tiroirs.»
H, comme humour
Pourquoi le jeune Rohmer s’est-il orienté, dès ses débuts, vers la comédie et non pas le mélodrame ou le film d’action? «C’est une question de tempérament, nous confiait-il. Je ne comprends pas le plaisir de faire des films pessimistes, avec des histoires affreuses. Moi je suis d’un naturel optimiste. Je ne cherche pas le comique, il s’invite dans la mise en scène. Je suis conscient des effets, il n’y a rien d’involontaire, ou qui puisse susciter des ricanements, sauf les groupes qui viennent voir mes films pour chahuter ou se moquer.»
M, comme malentendu
Comme les amoureux de Conte d’Hiver qui se cherchent sans se retrouver parce qu’ils ont confondu Courbevoie et Levallois, les films de Rohmer enchaînent souvent quiproquos ou malentendu, que le cinéaste résumait ainsi: «Des histoires d’hommes qui croient aimer une femme, qui se laissent attirer par une autre et qui reviennent à la première, comme dans les Contes moraux. Des histoires de rivalité et de jalousie, où l’autre finit par vous échapper, comme dans les Comédies et proverbes. Ou un simple jeu de rimes, d’oppositions et de symétries, comme dans les Contes des quatre saisons.»
E, comme érotisme
Pas de scènes de sexe chez Rohmer. Mais des gestes équivoques et des scènes dénudées. La main de Brialy sur Le Genou de Claire, la bouche de Féodor Atkine sur les pieds de Pauline à la plage. Zouzou qui attend le narrateur nue sur un sofa dans L’Amour l’après-midi, un sein qui surgit par mégarde dans Les aventures d’Astrée et Céladon ou une chute de rein à l’origine d’un coup de foudre dans La Cambrure, le dernier film, court et presque inconnu, tourné par Rohmer en 2009… «Quand j’ai une actrice, je ne fais pas comme font beaucoup de metteurs en scène qui la font tourner, l’épousent et la jettent dehors (rires) avant d’en prendre une autre. Mes actrices, je les aime toutes», nous confiait le cinéaste.
R, comme raretés
Ce coffret propose des raretés, comme La Sonate à Kreutzer, court-métrage tourné en 1956 ou la pièce de 1988 «Le Trio en mi bémol»… On y trouve aussi le clip culte sur la chanson de Rosette, Bois ton café il va être froid (1986) et les films de son Atelier, que le cinéaste tournait, ou plutôt laissait tourner par d’autres, sur la fin de sa vie dans les années 2000. «Ce sont des petits films, nous expliquait-il, sur des sujets proposés par des amis comédiens. Comme tout le monde n’est pas dialoguiste, je reprends souvent les dialogues. Et pour la mise en scène, en général, je m’en occupe aussi...» Presque des films de Rohmer, en somme, qu’on est heureux de retrouver ici coffrés.