Claude Lanzmann émeut avec «Le dernier des injustes»
CINEMA•Le réalisateur de «Shoah» signe un nouveau documentaire puissant et nécessaire sur une figure controversée de la Seconde Guerre mondiale...Caroline Vié
Le Dernier des injustes, qui sort ce mercredi dans les salles, n’est pas un documentaire comme les autres. Claude Lanzmann clôt avec ce film l’œuvre d’une vie consacrée à témoigner du massacre des Juifs par les Nazis.
Un personnage controversé
Le réalisateur de Shoah et de Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures reprend l’interview que lui avait accordé, en 1975, le très controversé ancien Grand Rabbin de Vienne Benjamin Murmelstein (1905-1989). Ce dernier était le «doyen des Juifs» dans ce que les Nazis avait baptisé le «Conseil des anciens», groupe chargé d’assurer leur liaison avec les prisonniers au camp de Theresienstadt. Lanzmann n'avait pas utilisé ces rushes dans Shoah, mais les avait confiés au musée de l’Holocauste de Wahsington et ne s’est senti près à retravailler dessus que près de quarante ans plus tard.
Pourtant, la rencontre du jeune Lanzmann avec cet homme est passionnante. «On n’avait pas le temps de penser», dit-il provoquant chez le spectateur un mélange de fascination, de dégoût et de sidération. D’autant que Benjamin Murmelstein est incroyablement charismatique. On reste stupéfait devant sa façon de raconter comment il composa pendant sept années, avec un homme qu’il qualifie de «démon». L’ambiguïté de celui qui malgré tout, sauva une partie de ses coreligionaires apparaît alors de façon éclatante.
L’œuvre d’une vie
Redécouvrir Claude Lanzmann presque gamin dans les années 1970, puis le retrouver aujourd’hui en papy chenu dans le camp, «lieu sinistre d’une inoubliable beauté » qu’il revisite, émeut aux larmes. Par delà la force de son propos, c’est une vie consacrée à la mémoire que révèle ce nouveau film. On aimerait que ce documentaire aride, certes un peu long (3h40), mais bouleversant, ne soit pas son dernier.