Cinéma: «Ilo Ilo», la teigne et son souffre-douleur
CINEMA•Le Singapourien Anthony Chen évoque son premier film, «Ilo Ilo», sur les rapports conflictuels entre un sale gosse et sa nounou, qui lui a valu la Caméra d’or à Cannes…Stéphane Leblanc
Un joli film, tout simple avec ce qu’il faut de cruauté, lauréat de la Caméra d’or à Cannes pour sa «délicatesse et l'intelligence de son auteur». Le cinéaste Anthony Chen, 29 ans, relate les rapports heurtés entre Jiale, un gamin de la classe moyenne singapourienne, et Teresa, sa jeune nounou philippine, trop douce pour ne pas être martyrisée par un aussi sale gosse. Heureusement, les choses vont s'arranger et une amitié va même naître entre la teigne et son souffre-douleur, au point d'attiser la jalousie de la mère de Jiale.
On sent qu'Anthony Chen sait de quoi il parle. Dans sa jeunesse, sa mère avait une bonne philippine dont il garde surtout en mémoire qu'elle venait de la province d'Ilo Ilo. «Quand elle est partie, j’étais inconsolable», raconte le cinéaste singapourien. Mais beaucoup d’autres éléments correspondent à ce qu’il a vécu: «Les poulets qu'on tuait par exemple». Et puis son père a perdu son boulot en 1997 au moment de la grave crise financière en Asie et n'a «jamais retrouvé d'emploi intéressant»... Anthony Chen, lui, a trouvé la perle rare pour incarner celui qu’il était enfant: un jeune comédien formidable, parce qu’il ne correspond pas à l’image du gamin tout-mignon-tout-beau que l’on voit habituellement à l’écran.
«Je voulais qu’on puisse le détester et l’aimer en même temps, comme Jean-Pierre Léaud dans Les 400 Coups, de François Truffaut. Et si le cinéaste n’était pas un mauvais garçon, «c'est une des grandes différences avec celui du film», rigole-t-il. On lui a d’ailleurs souvent fait remarquer qu’il y avait deux enfants sur le plateau, l’un devant la caméra, l’autre derrière, aussi têtus, capricieux et obstinés l’un que l’autre. «On s’est pas mal bagarrés pendant le tournage», confirme Anthony Chen. Assurément, ces étincelles ont profité au film.