#METOO du stream#MeToo du stream… Les streameuses témoignent des cyberviolences subies

« A 99 %, ça parle de sexe et de viol »… Les streameuses témoignent des cyberviolences sexistes subies sur Twitch

#METOO du streamDepuis le 25 octobre, sur Twitter, de nombreuses streameuses témoignent des cyberviolences sexistes et sexuelles auxquelles elles doivent faire face. Les réponses de Twitch pour remédier au sexisme sur la plateforme ne sont pas exemptes de failles
#MeToo du stream : sur Twitch, les streameuses témoignent des cyberviolences sexistes
Pauline Ferrari

Pauline Ferrari

L'essentiel

  • Le 25 octobre dernier, la streameuse Maghla a fait un long thread sur Twitter évoquant les cyberviolences sexistes et sexuelles qu’elle vit depuis de nombreuses années
  • À sa suite, de nombreuses autres streameuses et créatrices de contenus ont témoigné de ce qu’elles subissaient en ligne, en stream ou sur leurs réseaux sociaux
  • Une problématique pourtant loin d’être nouvelle : cela fait de nombreuses années que les streameuses alertent sur ce sujet

Le monde du stream est-il en train de vivre son #MeToo ? C’est ce qu’on a beaucoup entendu ces derniers jours sur les réseaux sociaux.

Tout part d’un thread sur Twitter de la streameuse Maghla le 25 octobre : elle se dit « fatiguée » de la sexualisation permanente et du cyberharcèlement sexiste qu’elle subit depuis plusieurs années. Photomontages pornographiques, serveurs Discord où des internautes imaginent des scénarios sexuels autour d’elle, commentaires et messages insultants, vidéos montrant des hommes se masturbent sur des photos d’elle… Ce que décrit Maghla, elle n’est pas la seule à le vivre : de nombreuses autres streameuses se sont exprimées à la suite de son thread, témoignant des cyberviolences sexistes et sexuelles subies pendant leurs streams ou sur leurs réseaux sociaux.

Parmi celles qui ont témoigné sur Twitter, on retrouve Lixiviatio, développeuse le jour et streameuse la nuit. Elle accepté de raconter à 20 Minutes à quoi ressemble son quotidien en tant que streameuse sur Twitch, et particulièrement les messages et insultes qu’elle reçoit. « C’est minimum hebdomadaire, mais ça varie selon mon activité sur les réseaux. A 99 %, c’est tourné autour du sexe et du viol », explique-t-elle.

Du GamerGate au #MeToo stream, rien ne change

Ce phénomène ne date pas d’hier : le milieu du jeu vidéo est majoritairement masculin et plutôt enclin à conserver cet entre-soi. Il y a moins d’une décennie, l’affaire du GamerGate avait montré la puissance du cyberharcèlement de masse envers les femmes du secteur. Durant l’été 2014, la créatrice de jeu vidéo Zoë Quinn et la journaliste féministe Anita Sarkeesian ont été la cible d’un cyberharcèlement de masse. Zoë Quinn a été accusée par son ex-petit ami d’avoir couché avec un journaliste spécialisé dans le jeu vidéo pour obtenir des critiques positives sur le jeu qu’elle venait de sortir. La créatrice s’est retrouvée sous une avalanche de menaces de viol et de mort. Anita Sarkeesian, pour avoir pris sa défense et critiqué le machisme présent dans le milieu du jeu vidéo, a subi le même type de violences pendant des mois : un étudiant avait même menacé de poser une bombe dans l’université où elle devait faire une conférence.

Si les récentes prises de paroles dans le milieu du stream et du jeu vidéo ne sont pas nouvelles, elles ont la particularité d’arriver en même temps et cinq ans après le début du mouvement #MeToo.

Mais pour vraiment parler d’un « #MeToo du stream », il faudrait que ces prises de paroles aient des conséquences concrètes, notamment du côté de Twitch. En 2021, la plateforme a renforcé ses règles en matière de cyberharcèlement, notamment en élargissant la définition du harcèlement sexuel sur la plateforme ou en interdisant l’organisation de raids haineux… Mais depuis leur mise en place, pour les streameuses, pas grand-chose ne semble avoir changé. « En vrai, ils essaient de mettre des trucs en place mais je trouve que c’est pas suffisant. Par exemple, Twitch a mis en place une option pour limiter des gens qui envoient des messages sur le tchat avec l’adresse mail et le numéro de téléphone vérifié… mais il est répandu d’utiliser de faux mails et numéros de téléphone », déplore Lixi.

Hypocrisie masculine et défaillances juridiques

A la suite du thread de Maghla et de ceux d’une dizaine d’autres streameuses, beaucoup de personnalités du milieu du streaming et du jeu vidéo se sont exprimées pour apporter leur soutien aux femmes concernées… Dans le même temps, de nombreux internautes ont quant à eux nié les violences subies et ont accusé les streameuses de mentir pour faire parler d’elles. Résultat : certaines ont subi de nouvelles vagues de cyberharcèlement sexiste.

Ce que de nombreuses streameuses et plus généralement femmes et personnes minorisées visibles sur Internet ont également dénoncé, c’est l’hypocrisie et la fausse surprise de beaucoup d’hommes. « En fait, il y a plein de gars qui ont apporté leur soutien et qui derrière laissent passer des comportements misogynes et sexistes dans leurs chats, qui eux-mêmes font des tweets qui ne sont pas ok. Au bout d’un moment, quand on brasse des milliers de spectateurs, on a un devoir d’être correct, de partager de bonnes valeurs », ajoute la streameuse Lixi.

La plupart des faits dénoncés par les streameuses sont pénalement répréhensibles : les messages à connotation sexuelle ou sexiste sont passibles de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende. Les photomontages, notamment à caractère sexuel, sont punis d’un an de prison et 15.000 euros d’amende. Sauf qu’en matière de cyberviolences sexistes et sexuelles, de nombreuses victimes n’osent pas porter plainte contre leurs agresseurs ou harceleurs et les plaintes déposées ont souvent du mal à aboutir.

Seul fait notable : en mai, un homme a été condamné à un an de prison pour avoir harcelé et menacé la streameuse Maghla. Est-ce que cette unique décision fera office de jurisprudence ? Encore faut-il que la justice se saisisse de ce #MeToo du stream.