Métavers : Qui sont les nouveaux architectes des mondes virtuels ?
Architecture•Alors que les métavers se développent, des architectes d’un nouveau genre tentent de créer de nouveaux mondes virtuels qui défient les lois du réelPauline Ferrari
L'essentiel
- Alors que les métavers se développent, de plus en plus de créateurs tentent de repousser les limites créatives des mondes virtuels.
- Chez Bem. builders, une de ces agences qui imaginent le futur, un « manifeste architectural anti-gravité » a été développé pour casser les codes.
- Si l’expérience du métavers reste limitée pour beaucoup, les marques s’y engouffrent pour renouveler leur expérience utilisateur.
Voler, sauter, ne plus avoir besoin d’escaliers ou visiter des lieux sous l’eau : les promesses sont grandes autour des métavers, dont celui promu par Méta (anciennement Facebook). Si la révolution autour du Web3, des cryptomonnaies aux mondes virtuels en passant par les NFT semble s’accélérer, les mondes virtuels de demain ressemblent pour l’instant terriblement au nôtre. Bureaux en 3D ressemblant à des immenses tours de La Défense, rues grises, ou simples reproductions du réel : pour beaucoup, l’expérience fournie par les métavers ne semble pas si différente d’un jeu comme Les Sims. Alors, d’autres essayent de changer les règles du jeu : c’est le cas de Neal Robert et Adrien Mouginot, cofondateurs de Bem. builders, une entreprise qui s’attelle à créer des expériences architecturales et artistiques dans les métavers, notamment pour des marques.
« On pense que l’expérience du virtuel doit être complémentaire, et non pas une pâle copie du monde physique. Ça doit être poétique et magique ! » défend Neal Robert. Avec ses cinq associés, il a créé une « metaverse experience factory », et utiliser le métavers comme outil pour construire des expériences. « On sait que le Web3 reste un microcosme élitiste, donc on va chercher des grandes marques pour en démocratiser l’accès » appuie le cofondateur. Bem. builders a ainsi collaboré avec le groupe Casino, ou encore Carrefour et son NFBEEs, un supermarché de NFT dans le métavers destinés à sauver les abeilles. Pour ces architectes nouvelle génération, il s’agit donc de créer des expériences, et de repousser les limites de l’architecture.
Un manifeste et une villa parfaite
Pixel par pixel, Bem. builders compte imaginer d’autres mondes virtuels et d’autres paradigmes. Ils ont ainsi développé un « Manifeste de l’antigravité », manifeste architectural pour les métavers, destiné à imaginer des mondes « où chaque objet et chaque chose s’affranchit des normes de conception d’une réalité contraignante ». Pour Neal Robert, cette nouvelle définition des règles d’architecture adaptée au virtuel est nécessaire : « dans un monde virtuel, il n’y a pas d’escalier : on peut voler, sauter, se déplacer autrement. Alors si on est emmenés à repenser quelque chose aussi simple que des escaliers, il faut revoir les règles de mobilité et les espaces ». Changer de regard, ça s’apprend. « Quand je me déplace avec un PC ou un casque de réalité virtuelle, c’est une caméra que je déplace, et non un corps. On peut être actif au sein de l’espace et créer de nouveaux regards » explique Adrien Mouginot, directeur créatif et un de ses architectes du futur.
La matérialisation de leur manifeste se trouve dans la Villa Oblique, résidence idéale de leurs théorèmes d’architecture. Dessinée par Adrien Mouginot en juin 2022, elle a été réalisée sur The Sandbox, un des métavers accessible, en octobre 2022. « C’est une villa parfaite qui représente ce qui est nécessaire comme espace. On a cinq niveaux différents, établi sur une péninsule, où on peut explorer sous l’eau ou en hauteur. La navigation va créer une multitude d’expériences » expliquent les deux cofondateurs de Bem. builders. Ce lieu idéal mêle une grande villa, un pavillon d’exposition, une randonnée artistique et même une cachette secrète. Dans le métavers, la lumière, le vent, la gravité (ou non) ne sont que des formules algorithmiques modulables : la Villa Oblique entend montrer les possibilités permises par ces mondes virtuels, et le potentiel de l’imagination.
Une démocratisation du métavers par les codes du ludique
Pour Neal Robert, il n’y a « pas d’opposition entre réel et virtuel » : « même si c’est du virtuel, nous sommes dans le réel. Notre avatar sera aussi important que nous, et donc dépendra de ressentis agréables ». À l’heure où le métavers est encore au stade de découverte, Bem. builders voient son accessibilité et sa démocratisation par le domaine du divertissement, inspiré par le jeu vidéo. Mais demain, comment le virtuel sera-t-il bénéfique à tous et toutes, à travers les usages du quotidien ? « Dans les ressources humaines, l’interaction professionnelle, le business, l’éducation, l’apprentissage… » répond Neal Robert. Pour l’heure, à défaut du commun des mortels, ce sont surtout les marques qui déploient des projets et stratégies dans le métavers.
« En école d’architecture, on apprend à se servir des outils, et on réalise à quel point la réalité est contraignante. Avec le métavers, on peut rester à ce point d’idée, de visuel, de rêve, et augmenter un espace qui existerait déjà » développe Adrien Mouginot. Mais pour autant, dans quelques années, est-ce que toutes les entreprises devront se doter d’un ou une architecte spécialiste des mondes virtuels ? « Les métiers de l’art et de la création vont s’adapter, vont utiliser les outils technologiques qui permettent d’exploiter ça » ajoute Neal Robert. En attendant qu’on puisse un jour construire (et se payer) une maison comme la Villa Oblique, on peut au moins l’imaginer et la visiter dans le métavers.