TRANSPORTSA Bordeaux, vers un retour à la normale dans les transports en commun

Bordeaux : La pénurie de conducteurs s'explique par le travail le week-end « qui rebute certains candidats », selon Keolis

TRANSPORTSKeolis Bordeaux Métropole a dû abaisser la fréquence des transports en raison d’une pénurie de conducteurs. Un retour à la normale est prévu ce lundi
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Keolis annonce un retour à la normale dans les transports à partir de ce lundi.
  • Plusieurs actions ont été mises en place pour pallier en urgence au manque de conducteurs dans l’entreprise, essentiellement dû aux contraintes horaires de Keolis, assure son directeur.
  • La crise est néanmoins profonde, et la CGT estime que la direction ne pourra y remédier qu’en passant par une revalorisation salariale des conducteurs.

L’offre de transport « va revenir à un niveau normal » à partir de ce lundi, annonce Keolis Bordeaux Métropole. Depuis le 29 août, le service était « dégradé » en raison d’une pénurie de conducteurs, avec des fréquences de passage rallongées sur certaines lignes, notamment sur les trams A et B.

Contacté par 20 Minutes, le directeur de Keolis Bordeaux Métropole Pierrick Poirier explique qu'« il n’était pas imaginable que lundi, qui sera la vraie rentrée en termes de mobilité, l’offre ne revienne pas à la normale ». Le retour de congés de plusieurs conducteurs va permettre à l’entreprise de retrouver plus d’aisance. Surtout, « nous mettons en place des mesures ponctuelles, avec du recours à de l’intérim, des heures supplémentaires sur la base du volontariat, et nous faisons appel à des managers au sein de l’entreprise qui sont d’anciens conducteurs… »

Cela, c’est pour l’urgence. « Nous avons parallèlement une quarantaine de conducteurs à recruter d’ici à la fin de l’année, sur les 1.800 que compte l’entreprise, pour assurer le bon fonctionnement du réseau, poursuit Pierrick Poirier. Nous en avons déjà seize qui arrivent mi-septembre dont onze en contrat de professionnalisation - jeunes salariés de moins de 25 ans ou demandeurs d’emploi. »

« Je peux comprendre qu’un jeune préfère chercher ailleurs… », analyse un syndicaliste

Pour le directeur de Keolis, cette pénurie de conducteurs, qui touche plusieurs réseaux de transport en commun en France, s’explique essentiellement par « la baisse du chômage et l’effet Covid-19. » « Le rapport au travail a changé avec la crise sanitaire. Notre entreprise a de gros atouts, mais nous avons des contraintes, notamment d’horaires puisque nos agents de conduite sont susceptibles de travailler le week-end, et aujourd’hui cela rebute certains candidats, ce qui n’était pas le cas il y a deux ou trois ans. »

Les syndicats ne font pas la même analyse, et pointent une politique salariale qui ne serait plus en adéquation avec le contexte économique actuel. « La direction met cette crise uniquement sur le dos des conditions de travail, c’est un peu facile car le vrai problème ce sont les salaires, fustige Mathieu Obry, conducteur et délégué syndicat CGT. Certainement que le métier est moins attractif, mais essentiellement parce qu’on recrute aux alentours de 1.500 euros par mois, et que l’on se situe à 2.500 euros par mois au bout de vingt ans d’ancienneté, primes incluses. Quand vous faites les 3x8, et en travaillant un week-end sur deux, je peux comprendre qu’un jeune préfère chercher ailleurs… »

« Je ne partage pas ce point de vue, il n’y a pas de problème de salaire, rétorque Pierrick Poirier. A l’embauche nous proposons un salaire de 30.000 euros brut, et un conducteur avec douze ans d’ancienneté arrive à 35.000 euros brut. On est quand même loin du Smic. Le sujet n’est pas là, on le voit d’ailleurs dans les entretiens d’embauche, c’est vraiment cette problématique de contrainte horaire. »

Menace d’un mouvement social

Les salaires vont toutefois devenir le sujet de discussion au sein de l’entreprise dans les prochains mois. Mathieu Obry indique que « nous allons entamer des négociations, et au niveau de l’intersyndicale, nous réclamons une augmentation de 3,5 %. » Keolis « vient de signer un contrat de 2,2 milliards d’euros pour le renouvellement de la DSP [délégation de service public] avec Bordeaux Métropole, les salariés ne comprendraient pas que leurs salaires n’augmentent pas comme ils le souhaitent », justifie le syndicaliste. « Au niveau de la CGT, nous sommes prêts à aller au conflit, et je pense que les éléments sont réunis pour que l’on parte sur un mouvement social. »

« La question de cette rentrée est celle de la compensation de l’inflation, qui connaît un pic important, c’est pourquoi nous proposons le versement d’une prime pour la fin du mois de septembre, indique pour sa part Pierrick Poirier. En ce qui concerne les salaires, je renvoie les discussions au mois de novembre, pour nos négociations salariales annuelles qui démarreront à ce moment-là. »

Plan d’actions contre l’absentéisme

Le syndicat souhaite par ailleurs qu’une réflexion soit engagée au sein de l’entreprise, « sur le taux d’absentéisme particulièrement élevé, de l’ordre de 13 % ce qui représente plus de 100 conducteurs par jour. »

« C’est encore une conséquence de la crise sanitaire », analyse le directeur de Keolis, qui évoque, lui, « un absentéisme de 10 %, en hausse de deux points en deux ans, avec des pics à 13 % ». « C’est une préoccupation, reconnaît-il, et nous savons qu’il y a une attente pour retravailler les rythmes de travail ; c’est un sujet que l’on va aborder dans les prochains mois avec les partenaires sociaux pour voir ce que l’on peut proposer à nos conducteurs. »