Bordeaux : Doté d’une « double peau », l’ancien mess des officiers va renaître en un campus pour l’Essca
ARCHITECTURE•Implanté au cœur de la ZAC Bastide-Niel, sur la rive droite de Bordeaux, l’ancien mess des officiers est en train d’être transformé en un campus pour les futurs étudiants de l’école de commerce EsscaMickaël Bosredon
L'essentiel
- La réhabilitation de l’ancien mess des officiers de la caserne Niel est un véritable défi technique pour les architectes et Eiffage Construction.
- Seule l’enveloppe extérieure du bâtiment est conservée, tout l’intérieur a été rasé et reconstruit.
- Une double peau en béton a été créée à l’intérieur, tandis que le bâtiment sera rehaussé de trois étages pour accueillir notamment une terrasse avec vue panoramique.
Un bâtiment « extrêmement contraint et technique. » Démarré en avril 2021, le chantier de réhabilitation du gigantesque mess des officiers de l’ancienne caserne Niel à Bordeaux a parfois viré au casse-tête pour l’équipe d’architectes et Eiffage Construction, en charge du projet. « Très clairement, il aurait été plus simple et moins coûteux de tout raser et construire un bâtiment neuf », souffle Fabien Gauthier, architecte à l’agence Guiraud-Manenc. Le chef de projet est néanmoins « ravi » d’avoir pu conserver ce bâtiment historique du XIXe siècle, et y mener un projet architectural innovant, parfois expérimental.
Racheté par l’école de management Essca (Ecole supérieure des sciences commerciales d’Angers), qui va y installer à la rentrée 2023 son deuxième campus bordelais, le mess des officiers va conserver son enveloppe extérieure, et monter de trois niveaux, pour accueillir sur 5.500 m2 environ un millier d’étudiants en management. Coût de l’opération : 17 millions d’euros (HT).
Bâtiment le plus modulaire possible
La première contrainte a été celle imposée par Winy Maas, l’architecte-urbaniste de la ZAC Bastide-Niel, un site de 35 hectares sur l’ancienne caserne Niel, qui se transforme peu à peu en une nouvelle zone comprenant logements, bureaux et campus, sur la rive droite de Bordeaux. Patrick Vacher, architecte au sein de MNP Vacher, l’autre agence en charge du projet de l’Essca, souligne que « l’ensemble des architectes qui intervient sur ce secteur n’est pas complètement libre de faire ce qu’il veut, nous sommes contraints dans une épure de volume, avec des pans dans tous les sens ». Les pans coupés sur les bâtiments, souhaités par Winy Maas, serviront à créer tout un système de ventilation naturelle et d’ombres portées d’une structure à une autre, sur l’ensemble de la ZAC.
L’autre contrainte est celle de l’école, qui a son propre cahier des charges évidemment, avec des salles de classe, un amphithéâtre, des foyers… Si les architectes avaient pour obligation de sauvegarder le bâtiment, ils ont toutefois rapidement décidé de ne conserver que l’enveloppe extérieure, et ont opté pour une démolition-reconstruction à l’intérieur. « Notre parti pris a été de créer un bâtiment fourreau à l’intérieur, qui vient contre les murs existant », détaille Patrick Vacher.
« On a scalpé le bâtiment »
Concrètement, « nous avons commencé par déconstruire tous les planchers du bâtiment, explique Fabien Gauthier. Puis il a fallu retirer la toiture - on a littéralement scalpé le bâtiment –, réaliser un confortement de façade, puis nous avons commencé à curer l’intérieur et à tout casser. » Quand la curation du bâtiment a été achevée, « nous avons réalisé les fondations, avec des micropieux enfoncés jusqu’à 30-35 mètres de profondeur. »
Puis est venue l’étape de la création de la « double peau » du bâtiment. « Nous avons construit une boîte dans la boîte, résume Fabien Gauthier, avec une paroi en béton qui vient derrière les murs en pierre existants. » In fine, le bâtiment ancien est retenu par le bâtiment neuf, jusqu’au 3e étage, puis trois étages supplémentaires ont été rajoutés par-dessus, sachant que le bâtiment monte même jusqu’en R + 7 si l’on compte l’étage dévolu aux éléments techniques.
Ce système permettra de bénéficier d’un bâtiment le plus modulaire possible, avec un réseau électrique au sol, permettant de déconstruire si besoin les cloisons en plâtre. « C’est un enjeu important du projet car l’Essca est amenée à évoluer », souligne Christophe Chanteloube, responsable des projets immobiliers à l’Essca.
« Nous avons recréé des espaces extérieurs à l’intérieur du bâtiment »
Une fois ces défis relevés, les architectes n’en avaient pas pour autant terminé avec les contraintes. « C’est un bâtiment qui n’a pas d’espace extérieur, relève Patrick Vacher, or un lieu d’enseignement a besoin de zones de détente, qui se trouvent souvent dans une cour, nous avons donc recréé des espaces extérieurs à l’intérieur du bâtiment. » Une terrasse extérieure a ainsi été rajoutée au 5e étage. Elle sera recouverte d’une enveloppe métallique de type « serre ». Et même si elle sera ouverte au vent et à la pluie, « ce sera l’espace principal de convivialité de cette école », assure Fabien Gauthier, grâce notamment à sa vue panoramique sur Bordeaux.
« Un des autres enjeux forts de la ZAC porte sur le travail de la matière et de l’enveloppe », note Fabien Gauthier. Une unicité des matériaux entre les façades et les toitures a ainsi été imposée aux architectes, ce qui donnera au final une boîte monochrome, mais avec un aspect de « pixélisation » ou « d’écailles », grâce au choix des matériaux, du cristo (du marbre reconstitué) et trois types de verre, qui par un jeu d’inclinaisons vont faire « miroiter et scintiller cette enveloppe. »
« La conception de l’école a été faite autour des étudiants »
« La conception de cette école a été faite autour des étudiants, insiste Brigitte de Faultrier, directrice du campus de l’Essca à Bordeaux. Nous avons pris en compte les salles de cours et leur éclairage, mais aussi tous les lieux de contact en dehors des cours, pour permettre aux étudiants de se retrouver entre eux, ou avec des membres de l’administration… Il y aura aussi un lieu de repos et de restauration au rez-de-chaussée, et des espaces ouverts à chacun des étages. »
L’Essca possède déjà un autre campus à Bordeaux, dans le quartier des Bassins à Flot. Elle proposera un programme Grande école et Bachelor sur ses deux sites bordelais. Un cursus qui a un coût, de l’ordre de 12.000 euros l’année, sachant que l’école dispose d’un système de bourse interne, et propose aussi des contrats en alternance avec des entreprises.