VITICULTUREQui sont ces vignerons « pirates » des vins de Bordeaux ?

Gironde : Qui sont ces vignerons « pirates » des vins de Bordeaux ?

VITICULTUREUne trentaine de vignerons bordelais, réunis au sein d’un collectif, s’efforcent de proposer « des vins en dehors des sentiers battus » depuis quelques années
Clément Carpentier

Clément Carpentier

L'essentiel

  • Alors que les primeurs viennent de débuter dans le Bordelais, 20 Minutes vous fait découvrir le collectif Bordeaux Pirate.
  • Celui-ci regroupe une trentaine de vignerons girondins bio. L’innovation est leur leitmotiv afin de créer des vins d’auteurs qui ne ressemblent à aucun autre.
  • Ils remettent notamment au goût du jour de vieux cépages et cherchent à se faire une place entre des grands crus souvent inaccessibles et les vins de vrac vendus en grande surface.

Dans le contexte actuel, on pourrait presque dire que Jean-Baptiste Duquesne est le Jean-Luc Mélenchon du vignoble bordelais. « On veut créer une troisième voie », lâche le propriétaire du château Cazebonne à Saint-Pierre-de-Mons pour résumer son projet Bordeaux Pirate. Sauf que là ce n’est pas entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen qu’il faut se faire la place mais entre le haut de gamme et le bas de gamme des vins de Bordeaux, entre les grands crus et ce qu’on appelle « le vrac » vendu par les négociants, avec pour ligne directrice « montrer que l’on peut faire et produire des vins différents ».

Quand cet ancien négociant en vin, qui a réussi en se positionnant dès les années 1990 sur le Web (il est notamment le fondateur du site de référence pour les recettes de cuisine 750g.com), lance son groupe Facebook Bordeaux Pirate, des vins en déhors des sentiers battus en 2016, il part d’un constat. « Dans les années 2000, on buvait tous du Bordeaux mais peu à peu, on s’est détourné de ce vin, explique-t-il. Aujourd’hui, on achète du Bordeaux pour le stocker, le mettre à la cave et finalement ne jamais le boire. On achète plus un Bordeaux pour le boire le soir même. Nos vins sont en train de tomber dans l’oubli car ils ont vieilli et surtout, ils ne se renouvellent pas. »

Innover pour avoir des vins d’auteur

Jean-Baptiste Duquesne insiste sur ce phénomène en précisant que c’est sa vision et que tout le monde ne la partage pas dans le milieu :

« « Le consommateur aujourd’hui n’a plus de chapelle. Il est moins fidèle. Il est simplement guidé par sa curiosité et dans le Bordelais, ça ne bouge plus. On a un vin totalement standardisé et stéréotypé. Soit on est sur du grand cru inaccessible pour beaucoup, soit sur des vins vendus en vrac en grande surface, on a complètement raté le milieu de gamme pour moi. » »

Et c’est vrai que « se rassembler dans un collectif ou une association, ça trottait dans les têtes de pas mal de vignerons indépendants même si au départ, on ne faisait pas l’unanimité », prolonge son camarade Fabien Lapeyre. Comme une trentaine d’autres vignerons girondins, ce dernier, installé à Saint-Hilaire-du-Bois, se revendique aujourd’hui de la bannière noire à tête de mort soulignée de deux bouteilles de vin en croix.

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Il remplit les trois critères pour être un pirate : être Girondin, cultivé bio et surtout proposer des choses innovantes. Avec le château La Peyre, il fut l’un des premiers à remettre au goût du jour l’amphore en terre cuite à la place du traditionnel tonneau pour « aller chercher le fruit et rester sur le côté terroir ». Il a aussi replanté il y a quelques années du carménère dans le Bordelais (il n’y a qu’une dizaine d’hectares de ce cépage en France) ou carrément des cépages hors régions comme le syrah. « Aujourd’hui, on en parle pas mal mais il y a encore quelque temps, je me sentais très seul », rappelle Fabien Lapeyre. Le but étant de s’éloigner des codes des 65 appellations d’origine contrôlée et de produire des vins d’auteurs selon la personnalité de chaque vigneron.

Bientôt une parcelle témoin avec… 57 cépages !

Jean-Baptiste Duquesne, lui, a décidé de pousser cette logique à l’extrême. Alors que les vins de Bordeaux s’appuient presque exclusivement sur deux cépages en rouge (le merlot et le cabernet sauvignon), il veut faire revivre tous les autres. « J’ai lu tous les livres possibles sur le sujet et notamment ce qui se faisait chez nous au XIXe siècle. C’est simple, on a connu une centaine de cépages (et près de 300 en France) et à ce jour, j’en ai officiellement répertorié 57 toujours présents dans le Bordelais. L’année dernière, j’en ai encore retrouvé deux lors des vendanges », détaille celui qui a publié, Bordeaux, une histoire de cépages en 2021.

Depuis cinq ans, il a tout simplement replanté des pieds de vignes (500 à 1000) de 26 cépages différents. Mais l’objectif final est encore plus fou : il va planter une parcelle témoin avec un rang pour chacun des 57 cépages. Bien sûr, tous ces raisins ne finiront pas en bouteille, « j’en ai pour le moment vinifié cinq et il y en aura une dizaine de plus cette année » précise-t-il. Tout en ajoutant qu’on l’a pris au départ pour un « hurluberlu ».

Mais un hurluberlu qui avance, qui intéresse et qui rassemble au point que le collectif Bordeaux Pirate va bientôt devenir une association avec une vraie charte et des bouteilles qui seront identifiables pour le consommateur grâce à un petit logo. « L’objectif est aussi d’avoir une meilleure communication sur nos produits, de les mettre en avant, avoue Fabien Lapeyre. Nous, on est souvent les têtes dans nos vignes et on oublie parfois le reste. C’est bien de faire du bon vin mais c’est encore mieux de le vendre. »