Effondrements à Bordeaux : Des experts de la rue d’Aubagne à Marseille, au chevet du bâti ancien
INVESTIGATIONS•A partir de cette semaine, des diagnostics vont commencer rue de la Rousselle dans laquelle deux immeubles se sont effondrés le 21 juin 2021Elsa Provenzano
L'essentiel
- Pour dresser un bilan de santé du centre historique bordelais, des experts du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) intervenus rue d’Aubagne, à Marseille vont travailler à Bordeaux.
- Des diagnostics bâtimentaires vont être réalisés sur une cinquantaine d’édifices, dont la moitié se situe rue de la Rousselle. L’état du sol, l’état des réseaux vont aussi y être scrutés.
- En fin de semaine, les premiers diagnostics seront réalisés rue de la Rousselle et le rapport des experts est attendu début 2023.
Alors que la troisième et dernière phase des travaux de sécurisation va commencer rue de la Rousselle à Bordeaux, où deux immeubles du XVIe siècle se sont effondrés le 21 juin 2021, le diagnostic sur la vieille ville va lui aussi être engagé en parallèle, dès cette semaine. L’opération périlleuse d’évacuation des gravats est réalisée sous la surveillance de capteurs de mouvement pour la sécurité des ouvriers, sous l’autorité de la ville « qui s’est substituée aux propriétaires et aux assureurs », indique Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux. Pour comprendre ce qui s’est passé et dresser un bilan de santé du centre historique bordelais, des experts du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) vont également procéder avec méthode et précaution, comme ils l’ont fait après les effondrements survenus rue d’Aubagne, à Marseille.
La même année de construction qu’à Marseille
Le secteur de la rue de la Rousselle appartient à la première enceinte fortifiée de la ville, qui est la partie la plus ancienne. « Ce n’est pas le même climat, ce ne sont pas les mêmes bâtiments mais c’est à peu près la même année de construction qu’à Marseille par contre, qui remonte à deux siècles et demi », explique Romain Mège, docteur en dynamique des structures au CSTB. Des diagnostics bâtimentaires vont être réalisés sur une cinquantaine d’édifices, dont la moitié se situe rue de la Rousselle. L’état du sol, l’état des réseaux vont aussi y être scrutés. Les experts vont visiter une partie des édifices concernés par les 172 arrêtés de péril (pas forcément imminents) pris par la ville de Bordeaux en 2021, et qui ne renvoient pas à 172 bâtiments différents, puisqu’une bâtisse peut être l’objet de plusieurs arrêtés. « Tous les bâtiments qu’on verra en dehors de la rue de la Rousselle seront des bâtiments signalés pour des pathologies », confirme l’expert.
Les experts privilégient la qualité à la quantité, ciblant des bâtiments spécifiques. « Si on est vétérinaire, ça ne sert rien d’aller voir des girafes pour essayer de soigner des chats », résume Romain Mège. Le CSTB s’intéressera à des bâtiments qui relèvent de la même époque de construction que ceux de la Rousselle. « L’idée c’est de parcourir toute la ville pour aller voir les mêmes typologies de bâtiments, ceux qui sont abîmés et ceux qui sont en bon état, précise l’expert. On va se demander si cela relève simplement de questions de maintenance ou s’il y a des éléments qui ont pu faire qu’ils ont été plus rapidement abîmés que d’autres ».
La rue de la Rousselle est proche de la Garonne, ce qui n’est pas forcément un critère de vulnérabilité. « C’est juste que c’est spécifique, on a probablement certaines fondations qui sont sur pieux en bois, parce qu’on est à proximité de l’eau et sur des sols marécageux et c’est tout ça qu’on doit regarder, complète Romain Mège. C’est un des éléments importants ».
En fin de semaine, les premiers diagnostics seront réalisés rue de la Rousselle et le rapport des experts est attendu début 2023. Les diagnostics bâtimentaires vont être les plus rapides, tandis que ceux pour les sols et de réseaux qui se feront en parallèle des travaux de stabilisation de la rue de la Rousselle, prendront davantage de temps. Si la recherche des responsabilités dans les effondrements reste l’affaire de la justice, il s’agit d’apporter des éléments de compréhension et un guide de bonnes pratiques pour la ville qui ne veut plus revivre ce type de crise au cours du mandat.