Sud-Ouest : Le lactarium de Bordeaux, une « usine » à lait maternel à la recherche de dons
SANTE•L’établissement de Bordeaux-Marmande récolte chaque année jusqu’à 16.000 litres de lait maternel, destinés aux prématurés, qu’il stérilise puis congèle ou lyophiliseElsa Provenzano
L'essentiel
- Le lactarium de Bordeaux Marmande a lancé un appel aux dons car ses réserves sont basses.
- Les meilleures années, il récolte jusqu’à 16.000 litres de lait maternel qui sont pasteurisés puis congelés ou lyophilisés, avant d’être vendus aux services de néonatologie de toute la France, pour bénéficier aux prématurés.
- Les collectrices se déplacent au domicile des mères allaitantes pour récupérer les dons congelés.
«Normalement la chambre froide est remplie », commente Delphine Mireau, pédiatre et responsable des lactariums du CHU de Bordeaux et de Marmande, en ouvrant la porte sur son maigre stock de dons, en attente de traitement. Les lactariums collectent les dons des femmes allaitantes puis pasteurisent et conditionnent le lait avant de le revendre aux services de néonatologie de toute la France. Le prix est fixé par un arrêté ministériel à 80 euros le litre de lait congelé et 150 euros quand il est lyophilisé (essentiellement à destination des DOM TOM). Un montant qui peut sembler élevé mais qui s’explique par les nombreux critères de sélection et les processus nécessaires pour éliminer les germes.
« A 99 %, il est destiné aux prématurés mais peut aussi bénéficier aux nourrissons atteints de pathologies cardiaques ou digestives », précise la pédiatre. Il faut comprendre qu’aucun autre aliment que le lait maternel ne peut être administré à des prématurés pesant moins d’1,5 kg. Et, pour différentes raisons (bébé trop petit pour téter, lactation insuffisante etc.) leurs mères ne peuvent pas toujours les allaiter. Le lactarium de Marmande, qui collecte jusqu’à 16.000 litres de lait les meilleures années sur tout le grand Sud Ouest voit ses réserves baisser dangereusement et a lancé un appel aux dons depuis le 25 novembre auprès des femmes allaitantes.
Comment donner ?
« Les donneuses doivent avoir assez de lait pour leur bébé mais ce n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de lait », pointe Delphine Lamireau. Pour donner, il ne faut pas avoir été transfusée ni greffée ou sous dialyse. Les donneuses ne doivent pas être fumeuses et il est indispensable qu’elles possèdent un congélateur. La quantité minimum de don est de 400 ml, soit deux biberons de 200 ml. Quelque 19 collectrices sillonnent la Nouvelle-Aquitaine, une grande partie de l’Occitanie et la Normandie, pour se rendre au domicile des volontaires. La première rencontre est l’occasion de faire un point sur l’allaitement en cours, de remplir un questionnaire médical et de récupérer une ordonnance pour une prise de sang, si le don est bien envisagé. Des biberons stériles sont fournis pour la congélation du lait.
Nadine Fransquin, auxiliaire de puériculture et aide soignante est collectrice en Gironde et passe beaucoup de temps dans sa voiture. Elle récupère 15 à 20 litres par semaine, dans une glacière qui indique la température et qui est géolocalisée. « Je les aide si elles ont un problème pour leur allaitement, souligne-t-elle. Le rôle du lactarium c’est l’accompagnement de toutes les mères allaitantes, donneuses ou non. » L’idée est de pourvoir aux besoins des petits prématurés mais aussi de s’assurer que les bébés des donneuses continuent à être bien allaités chez eux.
Comment sont traités les dons ?
Le lactarium est implanté à Marmande depuis les années 1950. Géré auparavant par la Croix Rouge, il dépend du CHU de Bordeaux depuis 2011. « C’est comme une usine, décrit le docteur Delphine Lamireau. Le lait arrive cru congelé avant d’être pasteurisé et 25 % des volumes seront lyophilisés. » Tous les autres lactariums pasteurisent et congèlent le précieux liquide, qui se conserve six mois au congélateur. En plus de cela, celui de Marmande a la particularité de pratiquer la lyophilisation.
« Le docteur Raymond Fourcade (qui a donné son nom au lactarium) a eu l’idée géniale de lyophiliser le lait comme il lyophilisait le sang à l’époque », raconte le docteur Delphine Lamireau. Sa conservation est alors allongée à 18 mois et ne nécessite ni de congélation, ni de surveillance de la température. Le processus se fait en milieu stérile pour assurer la qualité sanitaire de ce produit dérivé du corps humain, et donc très réglementé. Le lactarium de Marmande déménagera fin 2023 à Pessac, sur la métropole bordelaise.
Qu’elles souhaitent donner quelques semaines ou plusieurs mois, toutes les mères allaitantes volontaires sont les bienvenues. « Ces dernières semaines, l’activité est stagnante et on sait qu’aux abords de Noël les mamans sont dans leurs familles et tirent moins leur lait », pointe Nadine Fransquin. Heureusement, certaines sont des donneuses fidèles et d’autres affichent une production exceptionnelle. Et la collectrice de citer le cas d’une donneuse qui a contribué généreusement, donnant 213 litres sur huit mois, tout en allaitant ses jumelles…