Gironde : La récolte du « cannabis bien-être » a démarré près de Langon
AGRICULTURE•La jeune entreprise bordelaise La Ferme Médicale, qui fabrique notamment des huiles de CBD, récolte sous haute surveillance plus de 6 hectares de chanvre bien-être près de LangonMickaël Bosredon
L'essentiel
- La Ferme Médicale est une jeune entreprise bordelaise montée par Raphaël de Pablo, qui fabrique essentiellement des huiles de CBD, molécule présente dans le cannabis.
- Pour cela elle récolte son propre cannabis, dans un champ au sud de la Gironde, près de Langon.
- Même si ce cannabis ne possède pas de THC, la molécule psychotrope, il attire toutefois les convoitises, les entrepreneurs ayant subi l’an passé une attaque à main armée avec un vol de près de 2.000 pieds.
Il n’y a pas que les vendanges qui viennent de démarrer en Gironde. A quelques encablures du prestigieux vignoble de Sauternes, du côté de Langon dans le sud du département, Raphaël de Pablo, fondateur de La Ferme Médicale, vient de débuter il y a quelques jours la récolte du… cannabis.
D’ici au début du mois d’octobre, il ambitionne de ramasser 500 kg de fleurs, pour cette deuxième campagne de récolte qui a vu en un an la surface cultivée passer d’1,4 hectare à 6,5 hectares cette année. Soit 30.000 plantes à récolter. « Les choses ont considérablement évolué cette année, souligne Raphaël de Pablo, puisque nos produits sont aujourd’hui vendus dans 25 pharmacies et une quinzaine de boutiques, et que nous avons de plus en plus de demande. »
Un effet sur « l’anxiété, les problèmes de sommeil et les inflammations »
Le cannabis, ou plutôt « chanvre bien-être », cultivé par La Ferme Médicale, est évidemment totalement légal. La plante qui pousse sur ce champ ne possède pas de THC (tétrahydrocannabinol), la molécule qui produit des effets psychotropes dans le cannabis revendu sur le marché illégal des stupéfiants. L’objectif ici est surtout d’en extraire le CBD (ou cannabidiol qui produit des effets relaxants), pour fabriquer des huiles, et bientôt des gélules, « qui agissent sur l’anxiété, les problèmes de sommeil et les inflammations » assure Raphaël de Pablo.
« En France, une vingtaine de plantes sont autorisées, et c’est l’une d’entre elles que nous faisons pousser », poursuit Raphaël de Pablo. Une fois coupée, la plante est transportée dans un ancien séchoir à tabac, encore nombreux en Gironde, où elle reste à sécher pendant deux semaines.
« Ensuite, nous envoyons les fleurs dans un laboratoire en Allemagne où ils extraient le CBD et l’ensemble des molécules, la plante comprenant plus de 200 cannabinoïdes, des terpènes et des flavonoïdes », détaille l’entrepreneur. Il souligne que si ses produits ne contiennent que 5 % de CBD, ils seraient « plus efficaces que 80 % des produits que l’on trouve sur le marché », précisément grâce à l’apport de tous ces éléments contenus dans la plante. « C’est ce qu’on appelle le spectre complet. »
Attaque à main armée
Mais cultiver du cannabis, même sans THC, n’est pas un métier de tout repos. Raphaël de Pablo et ses compagnons sont effectivement contraints de veiller au grain, et de dormir dans des tentes sur leur parcelle pour surveiller leur récolte. L’an passé, ils avaient été attaqués par six individus armés. « Cela s’était passé en pleine nuit, ils ont tiré dans notre direction, ont brûlé une de nos voitures, et ont dérobé 1.800 plantes sur les 6.000 que nous avions à l’époque » se souvient le jeune entrepreneur, encore « choqué » par cette agression.
La bande qui cherchait manifestement à se servir des fleurs de chanvre de cette récolte, pour les mélanger avec du cannabis illégal, avait été rapidement interpellée. « Mais, en cette période de récolte, l’ambiance reste pesante, souffle le jeune homme, on voit bien que des gens passent régulièrement devant notre parcelle pour faire du repérage… » Et ici, si les gendarmes effectuent régulièrement des rondes, c’est bien pour… protéger la culture de ce cannabis.
Campagne de financement participative
Ce n’est cependant pas cela qui arrête les vocations, bien au contraire. « L’an dernier, on comptait trois champs comme le nôtre en France, cette année il y a en a 400 ! Mais nous, nous souhaitons aller plus loin, et j’espère que dès l’année prochaine nous serons autorisés à transformer notre produit ici dans la région, au lieu de l’envoyer en Allemagne. » La transformation n’est effectivement pas encore autorisée en France.
Pour cela, La Ferme Médicale ambitionne de monter son propre laboratoire. « Mais il nous faut acquérir une machine qui coûte 41.000 euros, et comme notre secteur jugé à risque n’est pas ouvert au crédit bancaire, nous venons de lancer une campagne de financement participative sur kisskissbankbank » explique le responsable marketing de l’entreprise, Alex Mak.
Bientôt 300.000 bouteilles de Burdi W, du vin au cannabis
Raphaël de Pablo poursuit parallèlement un autre projet à base de CBD, Burdi W (Burdigala Weed), du vin au cannabis - même si légalement on parle de boisson aromatisée à base de vin. Normal, après tout, puisque l’on est dans le Bordelais. Après avoir produit 10.000 bouteilles cette année, « on s’est très rapidement retrouvé en rupture de stock, car il y a une très forte demande, c’est de la folie. » Une nouvelle mise en bouteilles vient de s’achever. « Notre objectif est de produire 10.000 bouteilles par mois, et de monter à 300.000 bouteilles en 2022. » Des clients de treize pays différents se sont déjà manifestés.
L’entrepreneur insiste toutefois : « les deux produits n’ont rien à voir l’un avec l’autre. » « Le vin Burdi W, c’est très ludique, alors qu’avec La Ferme Médicale l’objectif est d’améliorer le bien-être d’une clientèle qui rencontre de véritables soucis dans sa vie quotidienne, avec un produit naturel. » S’il n’y a pas vraiment d’étude concernant l’action du CBD sur le sommeil, il semble toutefois qu’il joue effectivement un rôle contre l'anxiété.