ENERGIE« Le véhicule électrique sera freiné s’il n’y a pas assez de bornes »

L'essentiel

  • Le ministre des Transports souhaite que la France soit dotée de 100.000 bornes de recharge d’ici à fin 2021.
  • Bordeaux Métropole est équipé à ce jour d’environ 250 bornes de recharge (rapides et lentes) sur la voirie et en parkings publics.
  • La collectivité devrait toutefois récupérer une bonne partie des bornes laissées par Bolloré après l’arrêt du réseau Bluecub.

Un plan qui vise les 100.000 bornes en France d’ici à 2021, contre un peu plus de 30.000 actuellement. Le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari veut faire de l’année 2021 l’année du basculement en faveur du véhicule électrique, alors que plusieurs constructeurs annoncent la mise sur le marché de nouveaux modèles électriques ou hybrides.

« Le plan du gouvernement vise le réseau de recharge rapide sur les autoroutes et le réseau routier national, ainsi que le maillage du territoire par les acteurs de l’énergie et de la grande distribution grâce à des aides publiques, indique Bordeaux Métropole à 20 Minutes. Les collectivités locales sont également ciblées grâce à leur compétence sur leur domaine public. Bordeaux métropole a engagé une réflexion qui devrait aboutir courant 2021 sur la stratégie à mettre en œuvre pour accompagner cette dynamique. »

"213 places équipées de bornes de recharge lente"

L’agglomération bordelaise est équipée à ce jour de « 19 stations de recharge rapides sur voirie [deux places de stationnement par station], dont 11 sur Bordeaux », indique Bordeaux Métropole, qui précise que « l’usage de ces bornes est aujourd’hui gratuit ». En moyenne, « chacune de nos bornes rapides est utilisée cinq fois par jour pour un temps d’utilisation par charge de 105 minutes. »

Cette offre est complétée par « 213 places équipées de bornes de recharge lente présentes dans certains parkings publics (Metpark, UrbisPark…) et parcs relais de l’agglomération. Enfin, il existe un réseau de bornes présentes sur les parkings de commerces, hôtels ou entreprises qui accueillent du public. »

Quel avenir pour les bornes du réseau Bluecub ?

La grande majorité des opérateurs du véhicule électrique jugent cette offre (très) insuffisante. « La voiture électrique rentre dans les mœurs, et il y a une explosion de la demande, mais le marché sera freiné si l’on n’a pas suffisamment de bornes », prévient Marvin Subercaze, responsable marketing au sein de Green Spot. Cette entreprise bordelaise avait lancé en 2016 la toute première station-service pour véhicules électriques, sur le parking d’un supermarché à Caudéran. « Elle fonctionne bien et nous travaillons sur d’autres projets en France, assure le responsable marketing. Mais depuis nous nous sommes diversifiés et nous proposons aussi l’installation de bornes sur les lieux de vie [hôtels, restaurants, supermarchés…], pour les flottes d’entreprises et au domicile des particuliers ».

Pour Green Spot, il va falloir « au moins tripler » cette offre. Les quelque 220 bornes de recharge sur voirie laissées par l’industriel Bolloré, qui a mis fin à la rentrée à son système d’autopartage électrique Bluecub, arrivent à point nommé. « Cela change un peu la donne, l’idée étant d’en conserver une centaine, et de transformer le reste pour de l’autopartage et du free floating », anticipe Nicolas Guenro, responsable du réseau d'autopartage Citiz. Marvin Subercaze est plus mesuré, soulignant qu’il s’agit « d’équipements de très faible charge, qui ne pourront satisfaire que les résidents ».

Le coût des bornes entre 2.000 et 10.000 euros

Il faut effectivement bien différencier les types de bornes, chacune ayant son utilité. « Il y a deux besoins qui ont été identifiés, explique Marvin Subercaze. Les bornes à la maison, d’une puissance moyenne de 7 kW, elles permettent aux particuliers de se recharger la nuit pour l’utilisation de leur voiture au quotidien. Et il y a les bornes de recharge rapide [de 25 à 300 kW] sur les grands axes routiers pour les trajets plus longs. Au milieu, il y a les bornes accélérées de 22 kW que les enseignes commencent à installer sur leurs parkings, parce que cela représente un enjeu en termes de services, et les bornes sur la voie publique. »

Le coût de ces bornes « varie fortement en fonction du niveau de puissance et de la gestion intelligente de la distribution d’énergie » ajoute Bordeaux Métropole. « En fonction des fournisseurs et des volumes achetés, les prix peuvent osciller entre 2.000 et 10.000 euros. Prix auxquels il faut rajouter les travaux de raccordement et de mise en service qui peuvent rapidement faire augmenter la facture en fonction des distances de branchement. » Pour une installation chez un particulier, « on se situe aux alentours de 1.300 euros, indique Marvin Subercaze, avec des aides qui ne sont pas négligeables, comme un crédit d’impôt de 300 euros et une TVA à 5,5 % pour les habitations qui ont plus de deux ans. »

Problèmes techniques

Concernant les bornes sur voirie, beaucoup de particuliers se plaignent d’infrastructures souvent en panne. « Les bornes rapides ont effectivement des problèmes de charge liés aux appels de puissance mal gérés avec certains véhicules. Des problèmes techniques sont également en cours d’analyse avec notre mainteneur et fournisseur pour lesquels nous espérons avoir des solutions rapidement » confirme Bordeaux Métropole, qui assure cependant que « les bornes lentes ou accélérées fonctionnent bien ». Le directeur marketing de Green Spot confirme quant à lui qu’il y a « un problème de maintenance, notamment lors de pics de chaleurs. C’est un véritable enjeu à ne pas prendre à la légère ».

Si le réseau d’autopartage Citiz ne propose à ce jour qu’un seul véhicule électrique, pour des raisons « d’autonomie des véhicules, et de complexité des infrastructures à installer », Nicolas Guenro souhaiterait accélérer, en investissant « dans des bornes solaires et en passant un deal avec le fournisseur d’énergie Enercoop, qui est une coopérative solidaire ». Mais il s’interroge aussi sur les conséquences d’un développement massif du véhicule électrique. « Ce qui m’inquiète, c’est que cela ira de pair avec l’étalement urbain, car cela favorisera l’installation de particuliers à 50 km des centres-villes. J’ai peur que la problématique de la voiture électrique, soit plus sur l’étalement urbain que les infrastructures de charge urbaine. »