Confinement à Bordeaux : Le CHU veut « éviter les pertes de chance et les retards de diagnostic, notamment pour les AVC »
COVID-19•Le CHU de Bordeaux a commencé à déprogrammer les opérations non-urgentes, pour pouvoir continuer d'accueillir tous les malades, notamment les vicitimes d'AVC, alors que le pic de la deuxième vague de Covid-19 approcheMickaël Bosredon
L'essentiel
- Le plan blanc doit permettre entre autres au CHU de pouvoir continuer d’accueillir tous les patients, Covid et non-Covid.
- L’unité neurovasculaire ne veut pas revivre la situation du premier confinement, au cours duquel il y a eu une diminution de 12 % du nombre de patients traités pour déboucher l'artère.
- Le Dr François Rouanet implore donc d’alerter immédiatement le 15 et de ne pas hésiter à se rendre aux urgences à la moindre alerte.
Le CHU de Bordeaux a déclenché lundi son plan blanc, a annoncé mardi le directeur général de l’établissement Yann Bubien. « Non pas que la situation soit dramatique, puisque nous accueillons 118 patients Covid-19 dont 32 en réanimation ce qui reste maîtrisable, explique-t-il, mais nous constatons depuis quelques jours une augmentation constante de leur nombre, avec un taux d’incidence qui progresse et des appels plus fréquents au Samu… Le plan blanc doit nous permettre de finir de s’organiser face à cette seconde vague que l’on voit arriver. » Seconde vague qui devrait toucher la Nouvelle-Aquitaine avec une quinzaine de jours de retard par rapport à d’autres régions.
Le plan blanc doit surtout permettre au CHU de continuer d’accueillir tous les patients, Covid-19 et non-Covid. L’établissement déprogramme ainsi cette semaine « tout ce qui est non urgent » pour poursuivre son activité dans tous ses services, urgences, oncologie, maternité ou cardiologie. « Avec des filières sécurisées » séparant les malades du Covid des autres, insiste le directeur. « L’enjeu est d’éviter les pertes de chance et les retards de diagnostic, notamment en ce qui concerne les AVC et les infarctus du myocarde », ajoute le docteur Catherine Fleureau, présidente de la commission médicale d’établissement (CME).
« Certaines personnes avaient tellement peur de contracter le Covid à l’hôpital qu’elles ne sont pas venues »
Parmi les services les plus sensibles à l’approche du pic de cette deuxième vague qui pourrait frapper la région d’ici une quinzaine de jours, figure l’unité neurovasculaire qui prend en charge les AVC, les accidents cardiovasculaires. Le Dr François Rouanet, chef du pôle neurosciences cliniques, ne veut pas revivre la situation du premier confinement. Si le nombre d'AVC a chuté de 13 %, il y a aussi eu « une diminution de 12 % du nombre de patients qui ont reçu un traitement pour déboucher l'artère », notamment parce que « certaines personnes avaient tellement peur de contracter le Covid à l’hôpital qu’elles ne sont pas venues. »
Ce sont surtout les patients qui ont fait des AIT (accident ischémique transitoire), c’est-à-dire qui des AVC légers qui se résorbent seuls en quelques heures, qui ont fait le choix de ne pas se rendre à l’hôpital. « Mais ce premier événement indique quelque chose d’anormal sur la circulation du sang dans le cerveau, et si on ne fait pas de bilan, ces patients risquent de faire un second AVC, explique le Dr François Rouanet. C’est ce qu’on a vu cet été, avec une deuxième vague d’AVC que l’on n’avait pas pris en charge comme il faut pendant le confinement. Et en général ceux-là viennent avec une forme plus sévère. »
Les premières heures sont souvent vitales
Le neurologue implore donc d’alerter immédiatement le 15 et de ne pas hésiter à se rendre aux urgences à la moindre alerte. « Notre service reste ouvert pendant le confinement, avec des filières spécifiques pour éviter de mélanger nos patients avec les malades du Covid, insiste-t-il. A ce jour, l’activité au sein du service n’a pas ralenti comme lors du premier confinement. « Nous accueillons toujours entre 8 et 10 AVC par jour aux urgences de Pellegrin. » Et les seize lits de soins intensifs du service sont pleins.
En cas d’AVC, les premières heures sont souvent cruciales. « Il existe deux types d’accidents vasculaires-cérébraux, rappelle le Dr François Rouanet : soit c’est une artère du cerveau qui se bouche – c’est ce qui arrive quatre fois sur cinq – soit c’est une artère qui se déchire. La conséquence est la même : une partie du cerveau n’est plus du tout irriguée, soit parce qu’il n’y a plus de sang soit parce qu’il y en a trop, alors elle tombe en panne et ne peut plus fonctionner. Nous avons des traitements à proposer, mais il faut le faire quatre à six heures après l’accident, au-delà le cerveau commence à être abîmé de manière définitive. »
« Généralement, on ne fait pas un AVC tout à fait par hasard »
Chef du service de neurologie et de l’unité neurovasculaire (UNV), le Pr Igor Sibon explique qu’à l’arrivée d’un patient, « le premier geste est d’aller faire une imagerie du cerveau pour identifier l’accident vasculaire-cérébral. » Elle définit si l’accident est ischémique (artère bouchée) ou hémorragique (artère rompue). « Cela va nous permettre de décider de la meilleure stratégie thérapeutique pour le patient, qui est ensuite admis à l’unité neurovasculaire où toute une équipe s’assure de l’absence de complications. » Pour déboucher l’artère, les médecins injectent un médicament qui va faire fondre le caillot – « une espèce de Destop du cerveau » – ou remontent dans les artères pour attraper le caillot (thrombectomie).
Trois-quarts des AVC surviennent chez des personnes de plus de 65 ans, et « généralement on ne fait pas un AVC tout à fait par hasard », indique le Dr François Rouanet. « C’est quelque chose qui se cultive sur le long terme, et qui fait qu’à 70 ans on paie l’addition. Les facteurs de risque sont en premier lieu l’hypertension artérielle qui abîme les artères. On fait de l’hypertension généralement à cause d’un régime alimentaire trop salé et d’un manque d’exercice au quotidien. La recommandation c’est marcher trente minutes par jour. » L'abus d'alcool, de tabac, ainsi que le stress, sont également des facteurs aggravants.
Une moyenne de deux AVC par heure en Nouvelle-Aquitaine
Toutefois, « un AVC peut toucher tout le monde, ajoute le neurologue, les jeunes et même les enfants. Nous constatons d’ailleurs ces dernières années une augmentation chez les jeunes adultes, ce qui est lié à notre mode de vie de plus en plus sédentaire. »
En Nouvelle-Aquitaine, il y a environ 18.000 AVC par an, soit une moyenne de deux par heure. « Quelque 20 % risquent d’en mourir, et un tiers en gardera des séquelles » rappelle le Dr François Rouanet.