Gironde : Cinq ans après le drame de Puisseguin qui a coûté la vie à 43 personnes, pas de procès en vue
JUSTICE•Le juge d’instruction a retenu que « les équipements de l’autocar [construit par Mercedes] étaient conformes à la réglementation en vigueur », ce qui laisse penser qu’il n’y aura pas de procès dans cette affaire20 Minutes avec AFP
L'essentiel
- Il y a cinq ans, une collision entre un semi-remorque et un car transportant des retraités en excursion a causé la mort de 43 personnes.
- L’instruction semble écarter la responsabilité du constructeur du car et la perspective d’un procès s’éloigne.
- Les rescapés de l’accident tiennent à comprendre ce qui s’est passé et notamment pourquoi le feu a pris si rapidement, laissant peu de chances aux retraités piégés à l’intérieur.
Cinq ans après la mort de 43 personnes dans un accident de car le 23 octobre 2015, à Puisseguin, en Gironde, la perspective d’un procès s’éloigne. Sur cette petite route de Gironde, au cœur des vignobles de Saint-Emilion, le virage était serré, limité à 90 km/h, mais sans lourd passif d'accidents. La chaussée était humide, mais il ne pleuvait pas. Un semi-remorque qui roulait à 75 km/h s’est déporté sur la gauche, se mettant en portefeuille, et percutant un car de retraités en excursion, venant en sens inverse, qui s’est embrasé très rapidement.
La plupart des victimes appartenaient au club du 3e âge du village voisin de Petit-Palais-et-Cornemps. Leur indemnisation avait été rapide, soit 11 millions d’euros au total, avec une première reconnaissance, dans un cadre amiable, du préjudice d’angoisse des rescapés et du préjudice d’attente des proches de victimes.
Mais à l’approche d’un cinquième anniversaire aux commémorations réduites pour cause de Covid, des « questions sans réponses » hantent encore les esprits : « Pourquoi le feu a-t-il pris si rapidement ? », s’interroge Michel Vigier, président du collectif de victimes. L’enquête judiciaire, ciblée au départ sur le réservoir additionnel de gazole au dos de la cabine du camion, et non homologué, a conclu qu’il avait eu un « rôle négligeable », selon une source proche du dossier.
« Les victimes ont besoin d’explication »
En 2017, l’enquête administrative du bureau d’enquêtes sur les accidents de transport (BEA-TT) a attribué « la cause directe » de l’accident à « une perte de contrôle » du camion dans le virage. Il préconisait de renforcer les normes dans les autocars sur la tenue des matériaux au feu (tissus, plastiques intérieurs), et d’en introduire sur la toxicité des gaz issus de leur combustion, soulignant que ces facteurs avaient pu alourdir le bilan.
Toutefois, la colossale enquête judiciaire dirigée par l’unique juge d’instruction de Libourne a retenu que « les équipements de l’autocar [construit par Mercedes] étaient conformes à la réglementation en vigueur », selon le parquet. « C’est un blanc-seing pour le constructeur, cela revient à dire que ces gens sont morts dans la légalité », déplore Me Marie Mescam, avocate de 160 parties civiles.
« Le choc était léger, les victimes ont besoin d’explications au-delà de celle d’un simple accident de la circulation », renchérit Me Antoine Chambolle, qui en représente 140. En février, le juge de Libourne les a avisés qu’il mettait fin à ses investigations, sans avoir retenu de mises en examen, ce qui éloigne les perspectives d’un procès pénal.
Les avocats avaient alors demandé au juge de prolonger les investigations sur la base d’une expertise censée étayer des manquements de Mercedes, ce qu’il a refusé. Le procureur de Libourne Olivier Kern indique qu’il recevra les parties d'« ici la fin de l’année pour exposer la position du ministère public » sur le dossier.
Seule réelle avancée selon les victimes, un amendement rendra obligatoire dans les autocars à partir de 2022 des plaquettes d’informations de sécurité, à l’image de celles qui existent dans les avions.