REPORTAGEAprès neuf fermetures administratives, les bars bordelais font profil bas

Coronavirus à Bordeaux : Distanciation, masques et mojitos… On a suivi la brigade de contrôle des débits de boissons

REPORTAGELe 14 septembre, la préfète de la Gironde a pris un arrêté pour durcir les règles sanitaires à respecter dans les bars et restaurants. « 20 Minutes » a suivi la tournée de la brigade de contrôle des débits de boissons ce samedi soir
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • La brigade de contrôle des débits de boissons doit vérifier que les mesures sanitaires renforcées sont bien appliquées dans les bars et restaurants de la métropole de Bordeaux.
  • Ce samedi soir, les établissements ont plutôt été bons élèves, présentant des dispositifs pour contrôler les flux de leurs clients.
  • Après neuf fermetures administratives, les patrons des établissements sont aussi particulièrement prudents.

C’est en civil et dans une voiture banalisée que la brigade des débits de boissons procède, la nuit, aux contrôles des bars et restaurants de la métropole bordelaise. En plus de la réglementation en vigueur, ces établissements sont soumis à des règles sanitaires anti Covid-19, renforcées depuis le 14 septembre dernier.

La brigade s’assure du respect du port du masque et des distanciations mais aussi que les établissements ont renoncé aux soirées dansantes, à la consommation debout et à la diffusion de musique sur la voie publique. Ce samedi soir, Jean-Marc et Stéphane, policiers de la brigade des débits de boisson de la sûreté départementale sont accompagnés de Bruno et Manuela, deux agents de contrôle des débits de boissons, rattachés à la police municipale.

Les gérants s’adaptent

« On a déjà fait des passages dans les établissements pour expliquer ce que l’on ne voulait pas voir », explique Jean-Marc. « Certains nous ont aussi demandé conseil pour interpréter l’arrêté préfectoral et on leur a apporté des précisions », ajoute Stéphane. En clair, tous les établissements sont prévenus et connaissent les règles du jeu, selon eux. C’est souvent les dénonciations de riverains pour nuisances sonores qui orientent ces tournées nocturnes. Mais cela peut être aussi d’autres professionnels : « Plus les bars vont faire n’importe quoi et plus les discothèques tarderont à ouvrir », pointe Stéphane.

La soirée commence par une visite au Bövem, à Pessac « Au départ cela a été compliqué de "fliquer" les clients mais on s’est adaptés à la situation », raconte le gérant. Dans sa salle qui peut accueillir 120 personnes, des tables ont été retirées pour respecter les distanciations sociales. L’œil aguerri, les agents balaient rapidement la salle du regard. « On vérifie que les serveurs sont bien masqués et que les clients sans masque, restent bien assis à leurs tables », détaille Manuela. RAS, ils filent alors vers un autre établissement, le Baïla Pizza, au Haillan. « C’est bon, le premier étage qui accueillait une discothèque est fermé », annonce Stéphane dès l’arrivée sur le parking. Et à l’intérieur le gérant montre patte blanche : « C’est fini les embrouilles, on veut bosser ». Les patrons de bar ont quand même un peu la pression et reçoivent les agents le petit doigt sur la couture du pantalon.

La menace de fermeture administrative

Pour les agents, les neuf fermetures administratives, de quinze jours à un mois, déjà prononcées à Bordeaux ont sonné comme des avertissements pour l’ensemble de la profession qui se tient à carreau, ce soir-là au moins. Au The Base, aux Bassins à flot, le bar a été supprimé pour éviter toute agglutination au comptoir et des tables ont été rajoutées. « On est passés plusieurs fois ici et on voit qu’il y a une évolution des mesures et que le gérant a fait des efforts pour s’adapter », apprécie Jean Marc. D’autres parmi les établissements fermés ont été beaucoup moins malins, publiant sur les réseaux sociaux des photos montrant clairement des manquements aux gestes barrières (piscine pleine de monde par exemple).

Un autre bar branché des Bassins à flot « Le Joya » a lui aussi pris des mesures pour mieux maîtriser la circulation de ses clients comme un accès à l’intérieur limité par le port d’un bracelet et la nécessité d’une carte pour aller aux toilettes. « On veut trouver des solutions pour perdurer », souligne le gérant, glissant qu’il doit refuser une centaine de personnes tous les soirs. Accepter de ne pas faire le plein pour respecter les mesures sanitaires imposées, c’est le lot de ces établissements de nuit qui redoutent plus que tout une limitation de leurs horaires ou, pire, une fermeture.

Même dans cet établissement où un concert est donné, les clients restent assis et ne cèdent pas à la tentation de danser.
Même dans cet établissement où un concert est donné, les clients restent assis et ne cèdent pas à la tentation de danser.  - E.Provenzano / 20 Minutes

L’équipe décide de pousser un peu plus loin vers un établissement où se déroule visiblement un concert, le Loft Bordeaux 33. Et, bonne surprise : aucun client ne danse debout, les plus intrépides se trémoussent sur leurs chaises. « Il y a eu beaucoup de communication et de travail en amont et on voit que cela paye », se félicite la brigade. Il faut dire qu’il est encore relativement tôt dans la soirée et que ces établissements sont spacieux, les agents s’attendent à une situation un peu différente dans les bars exigus de l’hypercentre bordelais.

La fête sur le yacht tourne court

Venue inspecter un bar sur les quais, près du pont Chaban-Delmas, l’équipe est intriguée par un fort bruit de sono. Après avoir avancé plusieurs hypothèses sur l’origine du tapage, elle comprend qu’une fête privée dansante est organisée sur un yacht, Le Bougainville de la compagnie le Ponant. Pour la première fois, la brigade monte alors à bord du bateau pour un contrôle. « C’est considéré comme du tapage car on l’entend à 200 mètres sur la voie publique, clarifie Stéphane. C’est un très mauvais exemple pour les autres établissements ». Averti, le capitaine fait couper le son et la brigade reprend le fil de sa tournée sur des quais un peu plus calmes, pour au moins quelque temps.

Le Bougainville, qui était dans le port de la lune ce week-end a eu une visite de la police pour tapage samedi soir.
Le Bougainville, qui était dans le port de la lune ce week-end a eu une visite de la police pour tapage samedi soir.  - E.Provenzano / 20 Minutes

Sur la première partie de soirée, la brigade se livre seulement à ce rappel à l’ordre oral. « On est agréablement surpris, commente Stéphane. Je pense que la minorité qui faisait n’importe quoi a déjà été sanctionnée ». Cette brigade peut verbaliser (amende de première classe) ou motiver des mises en demeure ou des fermetures auprès de la préfecture. Elle va continuer à jouer les rabat-joie, temps que les mesures sanitaires seront en vigueur et que la menace de clusters perdure.