Bordeaux : « Je ne suis pas pour une guerre entre les automobilistes et les cyclistes », assure le président de la métropole
INTERVIEW•RER métropolitain, coronapistes ou encore encadrement des loyers… Le nouveau président de la métropole Alain Anziani fait le tour des sujets chauds de la rentrée, dans un entretien à « 20 Minutes »Propos recueillis par Mickaël Bosredon
L'essentiel
- Alain Anziani prévient qu'il ne veut pas de position « dogmatique sur la question des mobilités », et estime que « les automobilistes doivent être écoutés autant que les cyclistes. »
- C'est pourquoi il n'hésitera pas à revenir sur certaines des pistes cyclables provisoires, s'il s'avère que « ça ne marche pas. »
- Le président de la métropole fait aussi un point sur le RER métropolitain, avec une première ligne qui devrait entrer en service dans les prochains mois.
Nouveau président de la métropole, le maire PS de Mérignac Alain Anziani fera sa rentrée politique ce mardi. En attendant, il a répondu aux questions de 20 Minutes sur quelques-uns des principaux dossiers actuels.
Cela fait bientôt deux ans que le principe d’un RER métropolitain a été validé. Où en est-on ?
La mobilité est aujourd’hui le premier budget de la métropole avec 400 à 500 millions d’euros annuels. Malgré ces sommes considérables, personne ne peut dire que la question est réglée. Il faut trouver d’autres solutions, dont celle du RER Métropolitain, dont l’idée générale est de faire repartir dans une autre direction les trains qui arrivent à la gare Saint-Jean à Bordeaux. Nous ne sommes pas matures partout, mais la ligne Libourne-Bordeaux-Arcachon, elle, devrait entrer en service en 2021 [avec de premiers aménagements et notamment une augmentation des fréquences de TER dès la fin de cette année]. On y est.
Combien y’aura-t-il de lignes en tout ?
Nous sommes sur cinq lignes, la prochaine, qui ne sera pas la plus simple, concernant Saint-Mariens-Langon [il y aura notamment des travaux à effectuer en gare de Saint-Mariens pour permettre le retournement des trains]. Il reste à mener un certain nombre d’études, et lors du prochain conseil de métropole le 25 septembre, nous délibérerons en ce sens. Mais dans le RER métropolitain, nous intégrons aussi des lignes de cars express, comme celle entre Créon et Bordeaux qui fonctionne très bien. Et nous voulons la même chose entre le cubzaguais et Bordeaux. Le RER métropolitain, c’est un grand concept dans lequel il y a deux sous-parties : le ferroviaire et les cars express.
Une critique qui est parfois formulée, est que ce projet ne règle pas le problème de la congestion des transports urbains dans la métropole, voire qu’il va l’aggraver en apportant davantage d’utilisateurs sur le réseau de TBM. Que répondez-vous ?
Que veut-on ? Qu’il y ait toujours davantage de voitures qui arrivent sur la métropole, ou proposer une alternative ? On n’évitera pas la mobilité, et on ne va pas construire des murs autour de la métropole, ni fermer des portes. Je sais bien que derrière ces remarques, il y a l’argumentation en faveur d’un métro à Bordeaux. Mais le métro, c’est 100 millions d’euros du km, malgré les chiffres moindres avancés par les défenseurs de ce mode de transport. Et le faire aujourd’hui alors que l’on a déjà du tramway, cela créerait un gigantesque bazar pendant 10 à 15 ans. Ce n’est donc pas une réponse immédiate à la problématique de la congestion. Je laisse la porte ouverte à toutes les solutions, mais il faut me démontrer que celle-ci est viable économiquement et faisable techniquement.
Un sujet qui fait beaucoup parler en cette rentrée, c’est celui des pistes cyclables, et notamment les pistes provisoires qui se sont développées depuis le déconfinement. Vont-elles perdurer ?
Il faut bien distinguer entre ce qu’il se passe à Bordeaux, et ce qu’il se passe ailleurs. Sur Bordeaux, il est certain qu’il y a une fréquentation cycliste qui est importante, il faut qu’on en tienne compte. Dans d’autres communes, ça l’est moins. Sur Mérignac, je ne peux pas dire que j’ai assisté à un « boom » des cyclistes car nous avons aménagé certaines pistes. L’idée de départ, c’était de l’urbanisme tactique je le rappelle, donc quelque chose de provisoire, et soit ça marche, soit ça ne marche pas… Attendons de voir comment ces pistes seront utilisées quand l’hiver va revenir, et quand le télétravail va diminuer. Je me donne jusqu’au début d’année prochaine pour en tirer les conséquences.
Quel avenir pour les coronapistes ?
Quels seront les critères pour maintenir ou pas ces pistes ?
Si cela engendre une fréquentation importante de cyclistes, sans générer une congestion considérable des couloirs automobiles, il faudra les prolonger, sinon il faudra en tirer les conséquences. Je ne suis pas pour une guerre entre les automobilistes et les cyclistes. La politique de mobilité doit favoriser les circulations et s’adresser à tout le monde.
Est-ce à dire que l’on voudrait accorder trop de place aux cyclistes ?
Chacun mérite le respect, et je ne veux pas punir les automobilistes parce qu’ils sont automobilistes. C’est pourquoi j’ai demandé à la métropole d’avoir une position équilibrée. Les automobilistes représentent plus de la moitié des utilisateurs de la mobilité sur la métropole, ils doivent être écoutés autant que les cyclistes. Il ne faut pas de positionnement dogmatique sur cette question-là. J’ai aussi demandé à avoir un grand plan piéton parce que finalement on n’en parle jamais. Cela veut dire notamment libérer les trottoirs des voitures qui peuvent y stationner. Toutefois, je suis favorable à une politique ambitieuse de pistes cyclables sécurisées. Mais la ville n’a pas été pensée comme cela, alors est-ce qu’on continue à faire du bricolage, à mettre des rustines en empruntant sur les zones piétonnes et automobiles, ou est-ce qu’on repense les circulations plus durablement ?
Autre sujet de rentrée, celui de l’encadrement des loyers, le maire de Bordeaux Pierre Hurmic a annoncé qu’il expérimenterait la mesure l’année prochaine…
Ce n’est pas une mesure bordelaise. C’est la métropole qui doit saisir la préfète avant la mi-novembre d’une demande d’expérimentation de l’encadrement des loyers pour les cinq prochaines années. Ce sera soumis au prochain conseil de métropole, ensuite, les 28 communes auront à délibérer pour savoir si elles veulent encadrer les loyers. C’est une mesure qui peut apaiser les tensions sur certains secteurs, car une difficulté de la métropole aujourd’hui est de permettre à ses habitants de se loger. Il pourra aussi y avoir d’autres mesures comme le permis de louer, et une politique foncière et d’acquisition des terrains par la collectivité pour faire en sorte que quelqu’un qui travaille sur la métropole puisse aussi s’y loger. Sinon cela se pose à nouveau des problèmes de mobilité.