Bordeaux : Pourquoi la métropole subit-elle une invasion de moustiques (et de moustiques-tigres) en ce moment ?
CA PIQUE•Le centre de démoustication de Bordeaux Métropole confirme que l’agglomération subit actuellement une présence massive et exceptionnelle de moustiquesMickaël Bosredon
L'essentiel
- Deux phénomènes de précipitations exceptionnelles en mars, puis fin avril-début mai, ont rechargé en eau les zones humides de la métropole, où le moustique s’est considérablement développé.
- Parallèlement, le moustique-tigre, qui prolifère dans les eaux stagnantes de nos jardins, a fait sa réapparition dès le 2 mai.
- Le centre de démoustication, qui intervient uniquement sur le domaine public, rappelle aux particuliers les bons gestes à adopter pour éradiquer les gîtes à larve de moustique-tigre.
«Les moustiques pullulent et font de la vie des Bordelais un enfer ! » Les témoignages comme celui de Virginie, se multiplient à Bordeaux ces dernières semaines. A tel point qu’elle a décidé de lancer une pétition pour demander à la mairie de « s’engager à éradiquer le problème ».
Mais ce n’est pas aussi simple que cela, et surtout, « tout le monde doit être acteur de la lutte contre la prolifération des moustiques » insiste Christophe Courtin, chargé d’études et de coordination au centre de démoustication de Bordeaux Métropole. Contacté par 20 Minutes, ce spécialiste confirme que nous vivons actuellement une situation « exceptionnelle » sur l’agglomération de Bordeaux, et même sur l’ensemble de la Gironde.
Le 10 mai, il est tombé 70 mm de pluie, soit l’équivalent d’un mois
« Cela est dû à deux épisodes météorologiques exceptionnels, que l’on ne rencontre qu’une fois tous les dix ans, détaille-t-il. Il y a d’abord eu entre 1er et le 15 mars, 100 mm de hauteur de précipitation, ce qui a déclenché les éclosions de moustiques notamment dans les zones humides périphériques à Bordeaux Métropole. Elles ont produit des moustiques qui ont exercé une nuisance dans la deuxième quinzaine de mars et la première quinzaine d’avril. Par la suite, nous avons eu un deuxième épisode pluvieux et orageux encore plus important, calé entre le 27 avril et surtout le 10 mai, puisqu’il est tombé plus de 70 mm de pluie ce jour-là, soit l’équivalent de ce qu’on peut recevoir en l’espace d’un mois, et qui a eu pour conséquence la remise en eau généralisée sur l’ensemble du territoire girondin des secteurs de production de moustiques, notamment dans les zones humides. »
Un phénomène « massif », survenu « dans une période peu propice à l’intervention puisque nous étions en plein confinement. » Le résultat ne s’est pas fait attendre avec une présence massive de moustiques adultes dans les secteurs proches de zones humides, et nous en subissons encore les conséquences ces jours-ci puisque la durée de vie d’un moustique est d’un mois, un mois et demi. « En tout, une quinzaine de communes de la métropole est concernée, essentiellement sur la presqu’île d’Ambès, le sud de la métropole à Bègles et Villenave-d’Ornon, et également sur Pessac, Mérignac, Saint-Aubin-du-Médoc, Le Taillan, Blanquefort ou encore Parempuyre. »
« Une toute petite quantité d’eau suffit à être le siège d’éclosion des œufs de moustique tigre »
Ces phénomènes météorologiques sont à l’origine de l’apparition des espèces de moustiques locales uniquement. « Parallèlement, souligne le spécialiste, le moustique-tigre a fait lui aussi son apparition, fidèle au rendez-vous, dès le 2 mai. Le moustique-tigre est strictement urbain : c’est le moustique des jardins, produit par l’activité humaine. Environ 80 % des gîtes à larves de moustique-tigre, se situent sur le domaine privé. Il appartient donc à chacun de réaliser les bons gestes. »
Les bons gestes, ce sont l’élimination ou la bonne gestion de tous les points d’eau que l’on peut trouver dans un jardin ou dans un espace clos. « Ce sont surtout les récupérateurs d’eau pluviale - qui sont de véritables usines à moustiques-tigres - qu’il faut rendre étanches et nettoyer régulièrement lorsque c’est possible. Il y a aussi les regards d’eau pluviale, dont il faut assurer le bon écoulement. Dans les jardins, il y a encore quantité d’objets que l’on peut supprimer ou couvrir : les bâches où l’on trouve des poches d’eau formées dans les plis, les tables de jardin en plastique, les récipients, les arrosoirs, de vieux pneus… Une toute petite quantité d’eau suffit à être le siège d’éclosion des œufs de moustique-tigre. On peut évidemment conserver des points d’eau, pour les oiseaux ou pour les abeilles, mais il faut veiller à renouveler cette eau tous les quatre à cinq jours, qui est le temps de développement de la larve. »
Le centre de démoustication souhaite parallèlement trouver des solutions pour agir au niveau des cimetières de la métropole, « qui sont de gros foyers de production de moustiques-tigres, à cause des vases funéraires qui, lorsqu’ils sont remplis d’eau, abritent des larves. Or, on ne peut pas toucher aux tombes qui sont des propriétés privées. C’est le même problème pour la cinquantaine de jardins partagés de la métropole. »
« Le moustique-tigre est casanier, et ne fait au maximum que 150 mètres »
Les modes de vie et d’action des moustiques locaux et du moustique-tigre sont très différents. « Il existe seize espèces de moustiques locales différentes sur le territoire de Bordeaux Métropole, raconte Christophe Courtin, toutes ne piquent pas l’Homme, mais celles qui piquent sont capables depuis leur point d’émergence de faire plusieurs centaines de mètres voire plusieurs kilomètres. Le moustique-tigre, lui, est casanier, et ne fait au maximum que 150 mètres. » Par ailleurs, « les moustiques locaux ont une préférence pour piquer en fin d’après-midi ou en matinée, le tigre lui est un moustique diurne. Enfin, on reconnaît très bien le tigre, qui est un moustique tout petit, de l’ordre de 5 mm, alors que les autres moustiques classiques atteignent un centimètre. »
Créé le 1er janvier dernier par Bordeaux Métropole, le centre de démoustication emploie 11 agents qui se consacrent à cette activité sur 27 communes. Ils ont en charge la surveillance du milieu et l’élimination des gîtes larvaires avec des bio-insecticides, uniquement sur le domaine public. « Réglementairement, nous ne pouvons pas intervenir sur les parcelles privées, précise Christophe Courtin, et nous n’agissons que dans un cadre de lutte anti-larvaire, car il est interdit pour notre service d’éradiquer le moustique adulte, à cause des produits qui impacteraient la faune pollinisatrice. » En revanche, les particuliers peuvent toujours se procurer des produits répulsifs, en vente sur le marché.
Notre dossier sur les moustiques
A la faveur de la baisse des températures, l’activité du moustique-tigre s’est « un peu calmée » ces derniers jours, constate le centre de démoustication. « On remarque que lorsque les températures chutent, les signalements de moustique-tigre sont beaucoup moins forts, ce qui est le cas depuis le 1er juin après les fortes chaleurs de mai. Mais on sait que cela va repartir à la hausse en juillet-août. » Il reviendra alors à chacun, de bien surveiller ses zones d’eau stagnante dans son jardin.