Bordeaux : Avec JonOne et l'institut Magrez, « l’art urbain passe de la friche au château »
CULTURE•A Bordeaux, l'institut Bernard-Magrez veut devenir la « référence du street art » en FranceMarion Pignot
L'essentiel
- Le château Labottière, à Bordeaux, reçoit jusqu’au 7 juin l’exposition « Free Spirit » du graffeur américaine JonOne. C’est la première fois que l’artiste réalise des œuvres in situ.
- En organisant cette exposition, l’institut Magrez, récemment entré dans la cour des grandes places du street art, espère asseoir sa notoriété dans le milieu.
- Il mise également sur la venue, dans trois mois et pour une exposition commune, de huit pionniers français du genre, parmi lesquels Speedy Graphito, Jacques Villeglé et Jérôme Mesnager.
«C’est notre mission depuis un an : que l’institut Bernard-Magrez devienne la référence du street art en France. » Dans la rotonde, du château Labottière, à Bordeaux, Aurélien Desailloud lance ce mercredi l’exposition « Free Spirit » de JonOne et le directeur artistique de l’institut sait qu’il a choisi un « parrain » de poids. JonOne, c’est le graffeur que le monde du street art s’arrache et l’institut Magrez vient de décrocher la première exposition in situ de l’américain en France.
« JonOne était déjà venu il y a cinq ans et ça s’était bien passé, poursuit Aurélien Desailloud. On l’a appelé et il a été séduit tout de suite par notre projet. » Soit de faire une rétrospective qui ne dit pas son nom et de donner carte blanche au New-Yorkais pour « repeindre » durant sa résidence le premier étage de l’hôtel particulier du XVIIIe siècle. Résultat, une « chambre d’ado comme chez » sa mère avec pots de peinture à l’abandon et échafaudage en plein centre ou des splashs de peintures, des coulures et des « drippings » que les visiteurs pourront piétiner.
Le « King of Harlem » est un ami de longue date de Bernard Margrez, « amoureux de l’art », selon Aurélien Desailloud et « précurseur malgré son jeune âge », blague John Perello alias JonOne. Le collectionneur détient plus d’une centaine d’œuvres d’art urbain signées d’artistes reconnus et vient de se faire « pimper » sa Jaguar par l’artiste de rue. « Il voit tout de suite quand ça va plaire et a vu d’emblée que j’avais quelque chose à raconter », explique JonOne qui estime que le château Labottière est le plus beau lieu qu’il a investi. « Il y a des fantômes je crois, j’ai senti un truc. Il a une vraie énergie », explique le graffeur qui a mis sept jours et sept nuits à redécorer l’étage de la bâtisse.
« Le street art a le vent en poupe depuis une dizaine d’années »
Un hôtel cossu qui mise tout sur la popularité de l’Américain pour enfin gagner en notoriété dans le milieu du street art et remplir son objectif 2019. « Le choix est bon, assure William Speestra, collectionneur et mécène qui a découvert JonOne à ses débuts, il y a plus de quinze ans. Le street art a le vent en poupe depuis une dizaine d’années. Les institutions muséales et les fondations privées s’y intéressent, intriguées par le succès de Banksy, d’Invader ou de Swoon. Et aujourd’hui il n’y a plus une expo ou une vente de street art qui se fasse sans un JonOne. » Et les œuvres à l’huile ou à l’acrylique de l’ex-graffeur du métro se vendent désormais jusqu’à 90.000 euros, « voire plus durant les enchères ».
Depuis 1981 et la première exposition de graffitis au Musée des monuments français, l’art urbain a fait son chemin. Jusqu’à l’institut de la rue Labottière qui mise sur la niche et un « Magrez visionnaire », selon William Speestra, pour mettre en avant « un style qui est celui de l’interdit, du danger et de la rébellion ». « En trente ans, l’art urbain est passé de la friche au château », glissera durant l’avant-première de l’expo Roswitha Guillemin, du Street art Journal. La punchline résume la position de l’institut Magrez qui dans trois mois ouvrira ses portes à Speedy Graphito, Jacques Villeglé, Jérôme Mesnager et à cinq autres pionniers du street art qui ont refait les murs dans les années 1970.