REPORTAGEVIDEO. Dans le Blayais, les asperges ont grand besoin de petites mains

VIDEO. Dans le Blayais, les producteurs d'asperges cherchent désespérément des cueilleurs

REPORTAGEAlors que la saison des asperges a commencé depuis le 15 février, les producteurs du Blayais peinent à trouver de la main-d'oeuvre motivée pour la cueillette
Marion Pignot

Marion Pignot

L'essentiel

  • Cette année, la saison des asperges a commencé exceptionnellement tôt pour la soixantaine de producteurs du Blayais.
  • Plus d’une vingtaine de variétés d’asperges pointent déjà le bout de leur tête alors que la main-d’œuvre se fait rare et que, sur la plupart des quelque 250 hectares d’exploitation de Haute-Gironde, la cueillette se fait à la main.
  • Les producteurs, parmi lesquels Jean-Pierre Bouillac basé à Reignac, sont obligés depuis quelques années de recruter beaucoup plus de saisonniers à l’étranger.

Ils sont cinq, ce lundi matin à Etauliers (Gironde), à cueillir les asperges et ce, depuis huit heures. Sous la pluie, sous les rafales de vent, résidus de la tempête Léon qui a balayé la Haute-Gironde la veille. « Et c’est comme ça depuis deux semaines, c’est dur », marmonne Patricia, 58 ans et cueilleuse d’asperges depuis huit ans pour le compte de Bruno Chapron. Ce solide bonhomme est producteur depuis 1998, sa famille depuis plus de cinquante ans. « Mais franchement je réfléchis à jeter l’éponge. Parce que c’est de moins en moins rentable et de plus en plus compliqué de trouver de la main-d’œuvre », assure le producteur, les mains dans la boue.

La main-d’œuvre, c’est ce qui manque le plus au Blayais, qui, au-delà du vin, tente de se faire une place dans la production d’asperges « blanches, moins filandreuses, plus sucrées et sans amertume », note Jean-Pierre Bouillac, producteur aux 15 hectares à Reignac. Ce matin-là, Bruno Chapron a vu repartir un « petit jeune de 23 ans après seulement un quart d’heure de travail ». « Il avait mal au dos, je lui ai dit de s’en aller, que ce travail n’était pas fait pour lui », raconte l’homme emmitouflé dans son blouson.

Le jeune homme « qui ne se doutait pas de la difficulté de ce métier » est reparti illico « comme beaucoup de ceux qui répondent aux annonces Pôle emploi » de l’expert de l’asperge girondine. Dans les tranchées creusées par le tracteur, il reste alors Patricia, Florence, 47 ans, ou Kivine, 38 ans, qui cueillent à la main plus de 20 variétés d’asperges, pour la plupart de robustes hollandaises. Cette année encore, il leur a fallu se mobiliser tôt, bien plus tôt que prévu sachant que la saison normale se situe entre le 15 mars et le 15 juin.

« Faire appel à la main-d’œuvre étrangère »

Depuis deux semaines déjà, les courageux se pointent aux champs très tôt, soulèvent les bâches qui conservent les asperges bien blanches et usent de la gouge pour sortir délicatement la précieuse tête des Cumulus, Darlise, Grolim ou Vitalim. « Il y a des asperges précoces, de demi-saison et des tardives, des variétés qui me permettent de tenir toute la saison, précise Bruno Chapron. Cette année, elles sont arrivées exceptionnellement tôt et il a fallu s’organiser, être réactif. »

Difficile quand le « vivier » de cueilleurs est pauvre et que l’un des fidèles lâche le groupe à cause d’une tendinite. « Il faudrait avoir une dizaine de personnes "en réserve" pour finir par avoir au moins cinq travailleurs le jour J, mais c’est impossible. Nous sommes obligés de faire appel à la main-d’œuvre étrangère », constate Bruno Chapron. « Ce n’est pas que le problème de l’asperge, mais celui du monde agricole en général, commente Jean-Pierre Bouillac. Je récolte depuis trente ans et j’ai toujours fait appel à des Portugais ou des Espagnols, reste que le besoin de petites mains augmente chaque année. »

Chaque jour, il faut savoir porter des paniers d'asperges pesant parfois jusqu'à 10 kilos.
Chaque jour, il faut savoir porter des paniers d'asperges pesant parfois jusqu'à 10 kilos. - Marion Pignot

Danielle Chabaraud, présidente de l’association des producteurs d’asperges du Blayais (Apab), acquiesce : « Je ne suis pas magicienne. Je loue des voitures, des appartements mais on peine à faire revenir un saisonnier d’une année à l’autre. Le travail est certes dur, mais comment faisaient-ils avant ? »

Compter sur les « anciens qui font le boulot et qui sont costauds »

Les producteurs comptent sur les fidèles, les « anciens qui font le boulot et qui sont costauds », résume Jean-Pierre Bouillac, comme Florence ou Patricia, qui n’ont pas peur du froid, de l’humidité et qui, sans broncher, soulèvent des paniers faisant parfois jusqu’à dix kilos. « Au début, on galère, on a mal au dos, et puis on prend le rythme, lâche en souriant Florence qui aime ce rendez-vous au grand air. Je fais les vignes en septembre aussi et j’avoue que les asperges c’est quand même plus difficile. »

Plus loin, Kivine, maçon-tailleur de pierres, râle contre la pluie qui fouette le visage et raidit les doigts. « Je n’ai pas le permis et c’est compliqué sans bus ici, alors je prends le boulot qu’il y a, et ça fait deux ans qu’il y a les asperges. » Le trentenaire est motivé malgré les journées qui s’allongeront quand les asperges donneront un coup d’accélérateur.

Patricia, 58 ans, est cueilleuse d'asperges depuis huit ans, dans le Blayais à Etauliers (Gironde).
Patricia, 58 ans, est cueilleuse d'asperges depuis huit ans, dans le Blayais à Etauliers (Gironde). - Marion Pignot

Il faudra alors en finir avec les sept hectares de Bruno Chapron et récolter jusqu’à 40 tonnes d’asperges. Toutes seront vendues en Haute-Gironde (grossistes, grandes surfaces, revendeurs sur les marchés et coopératives), histoire de truster le marché local et de faire la nique aux Landais aux surfaces bien plus grandes et qui « se sont approprié le Bordelais ».