Bassin d’Arcachon : Avec la condamnation du Routioutiou, la dégustation d’huîtres des cabanes ostréicoles est-elle menacée ?
COMMERCE•Le Routioutiou, célèbre cabane ostréicole du bassin d’Arcachon, a été condamnée lundi par le tribunal de Bordeaux pour commerce illégalMickaël Bosredon
L'essentiel
- La justice a estimé que le Routioutiou fait davantage du commerce et de la restauration, que de l’ostréiculture.
- Cette décision interroge sur l’activité de plusieurs ostréiculteurs du bassin d’Arcachon, qui se sont tournés eux aussi vers la dégustation d’huîtres.
- La gérante du Routioutiou est très inquiète pour la profession, alors que le président du comité régional se veut rassurant et assure qu’il n’y a pas de problème.
Un coup dur pour Le Routioutiou, et un coup de semonce à l’encontre de la profession ? Les époux Géraldine et Fabrice Vigier, gérants de la célèbre cabane ostréicole du port de Larros, à Gujan-Mestras sur le bassin d’Arcachon, ont été condamnés lundi par le tribunal correctionnel de Bordeaux à 1.500 euros de dommages et intérêts à l’Urssaf, ainsi qu’à une amende de 1.000 euros chacun, pour « travail dissimulé par dissimulation d’activité. » En gros, pour commerce illégal.
Que reproche la justice à ces deux ostréiculteurs, qui proposent également de la dégustation d’huîtres dans leur cabane ? D’être davantage des commerçants et des restaurateurs, que des ostréiculteurs...
« A aucun moment nous n'avons dérogé à l’arrêté préfectoral »
L’ensemble des ostréiculteurs du bassin d’Arcachon, qui occupent le domaine maritime public, sont autorisés à effectuer de la dégustation d’huîtres, qui provient de leur propre production. Un arrêté préfectoral du 11 avril 2011, leur accorde également une dérogation, les autorisant à accompagner ces dégustations d’huîtres d’autres produits bien spécifiques : pain, beurre, pâté, bulots, crevettes et vin blanc uniquement. Selon le comité régional de la conchyliculture Arcachon-Aquitaine, l’activité ostréicole doit toutefois rester majoritaire par rapport au reste.
Le tribunal a estimé que ce n’était pas le cas au Routioutiou, se basant pour l’année 2017 sur des chiffres de 198.000 euros liés à la vente des huîtres, et de 317.000 euros pour le reste.
Contactée ce mardi par 20 Minutes, Géraldine Vigier se dit encore « sous le choc » de cette décision du tribunal, qu’elle ne comprend pas. « A aucun moment nous n'avons dérogé à l’arrêté préfectoral, puisqu’en réalité celui-ci ne pose aucun quantum financier, il n’y a rien qui dit que l’on doit faire tant de chiffre d’affaires. Mais forcément que l’on fait un peu plus de chiffre en bulots-crevettes qu’en huîtres : les huîtres proviennent de notre production, donc on ne les achète pas, en revanche j’achète mes bulots et mes crevettes, que je suis bien obligée de revendre en réalisant un peu plus de marge. Enfin, concernant cette année 2017, le tribunal ne s’est pas basé sur les bons chiffres. »
« Il n’y a pas de volonté de supprimer cette activité » assure le président de la filière
Le Routioutiou n’est pas la seule cabane ostréicole à proposer de la dégustation d’huîtres, loin s’en faut, puisque l’on en recense 86 sur le bassin d’Arcachon. Cette décision de justice menace-t-elle l’ensemble de la profession ? « Clairement oui », tranche Géraldine Vigier. « On a voulu faire un exemple, et nous sommes les premiers sur la liste. » « Il n’y a aucun problème, dément de son côté Thierry Lafon, président du comité régional de la conchyliculture. Il n’y a pas de volonté de réduire ou supprimer cette activité, bien au contraire. Le consommateur est demandeur de ce service, l’ostréiculture s’y est adaptée, et il y a une bonne compréhension du phénomène par les services de l’Etat. Quant aux restaurateurs [certains d’entre eux dénoncent une concurrence déloyale], ils sont irrités par ceux qui franchissent la ligne jaune, mais cela nous pose problème aussi. »
Pour Thierry Lafon, « dans cette affaire, la fameuse activité de dégustation a été poussée à l’extrême. Cette entreprise [Le Routioutiou] a choisi de tout miser sur ce type de valorisation, alors que pour la plupart des entreprises, la dégustation n’est qu’une diversification. Cette affaire pointe tout de même un véritable problème, puisque nous sommes face à une imprécision réglementaire qui nous empêche de mesurer cette notion d’activité principale. Par conséquent, on laisse au magistrat un important delta d’interprétation. »
L’Urssaf leur réclame presque 400.000 euros d’impayés
Estimant que l’activité des époux Vigier relève davantage du régime social du commerce et de la restauration, l’Urssaf leur réclame de son côté presque 400.000 euros d’impayés sur ces dernières années. Mais les gérants du Routioutiou maintiennent que leur activité principale reste l’ostréiculture, et qu’ils relèvent donc du régime de la MSA (Mutuelle sociale agricole). « Nous faisons tout de même 40 tonnes d’huîtres par an », pointe Géraldine Vigier.
Assurant être « restés dans les clous », les deux entrepreneurs ont indiqué leur intention de faire appel du jugement rendu lundi.