Gironde : Quatre ans après le drame de Puisseguin, la lassitude prime au sein du collectif des victimes
COMMEMORATION•Le 23 octobre 2015, une collision entre un car transportant un club de personnes âgées et un camion faisait 43 morts. Une commémoration en hommage aux personnes décédées est organisée ce mercredi à Puisseguin et à Petit Palais par le collectif des victimesElsa Provenzano
L'essentiel
- Quatre ans après le terrible accident de la route qui a coûté la vie à 43 personnes, une commémoration est organisée à Puisseguin et Saint-Palais, ce mercredi.
- Le collectif des victimes, lassé par la longueur de la procédure, espère surtout une évolution des normes de sécurité dans les cars, jugées très faibles.
- Une plaquette d’information sera obligatoire dans ces véhicules à partir de 2022 pour alerter les voyageurs sur des points de sécurité.
Le 23 octobre 2015, une collision entre un car de personnes âgées et un camion fait 43 morts. Ce mercredi 23 octobre, quatre ans après le dramatique accident de Puisseguin, une commémoration est organisée sur place. « Ce sera très simple », commente Michel Vigier, président du collectif des victimes de l’accident, qui regroupe 170 personnes. Quand on évoque l’instruction encore en cours, on sent une certaine résignation dans sa voix. « Le collectif n’attend plus grand-chose, soupire-t-il. Lors de la dernière réunion j’ai senti une grande lassitude et une grande déception. Je pense aussi que les gens, quatre ans plus tard, souhaitent retrouver une vie normale ».
Si les procédures pour les accidents collectifs sont toujours extrêmement longues, Me Marie Mescam, avocate spécialisée en droit du dommage corporel et expert victime auprès du conseil national des barreaux, note que l’instruction relative aux attentats du 13 novembre 2015 est par exemple terminée et pas celle de Puisseguin. « Il y a un problème de moyens », estime l’avocate, qui défend 153 ayants droit, soit une dizaine de familles endeuillées par ce drame.
Quelle est la cause de l’embrasement rapide ?
Pourquoi le feu s’était-il déclaré à une vitesse aussi rapide après le choc entre les deux véhicules, laissant très peu de chance aux occupants du car ? C’est la question qui taraude les survivants et leurs familles et, à ce stade, les réponses données par l’instruction ne les ont pas convaincues.
« Le choc ne fait aucun mort mais c’est le feu qui va tuer 43 personnes et le problème c’est que l’instruction nous a appris énormément de choses sur le choc mais très peu sur l’incendie », résume Marie Mescam. Les rapports d’expertise sur l’incendie ont été remis en octobre 2018 au juge d’instruction, qui attend des compléments d’informations.
« L’enquête se concentre sur le rôle du réservoir additionnel qui a été ajouté au camion. Cet ajout n’est pas conforme à la réglementation. Si les causes du départ de l’incendie sont à approfondir, il est certain que les 375 litres de gasoil qui se sont immédiatement déversés depuis ce réservoir additionnel ont considérablement aggravé l’incendie », complète Me Pierre-Marie Pigeanne, qui défend 15 familles avec sa consœur Me Marie-Hélène Lapalus-Dignac.
A ce stade de l’instruction, les avocats estiment qu’il est impossible de dire si des poursuites seront engagées. « Le chauffeur n’avait pas adapté la vitesse de son camion, mais il est décédé », rappelle Pierre-Marie Pigeanne.
« Un niveau de normes très bas dans les cars »
L’enquête administrative a révélé que certains matériaux recouvrant le plafond et les fauteuils du car ainsi le gaz de la climatisation avaient contribué à un embrasement très rapide du véhicule et à une très grande toxicité des fumées. « Mais on nous a dit que tout était dans la norme, relève Marie Mescam. On nous a dit quasiment que c’était normal que ces gens soient morts ! ».
Le collectif des victimes a été reçu il y a deux ans par Élisabeth Borne, ministre des Transports, pour l’alerter sur le niveau très bas des normes en vigueur dans les cars. Un référent devait être désigné par le ministère pour effectuer un suivi des recommandations formulées par le bureau d’enquête sur les accidents du transport terrestre dans son rapport. Depuis, le collectif et ses avocats n’ont pas eu de nouvelles.
Seule satisfaction, l’amendement porté par le député En marche Florent Boudié le 29 mai 2019 qui rendra obligatoire des plaquettes d’informations dans les cars à partir de 2022, comme c’est pratiqué dans l’aviation par exemple. « Il y a très peu de gens qui sont sortis par les issues de secours à Puisseguin », pointe Marie Mescam. Les marteaux se retrouvent généralement dissimulés derrière les rideaux et beaucoup ignorent l’existence de trappes pour l’extraction des fumées, explique l’avocate.
L’accident de Puisseguin a été le second accident de la circulation le plus meurtrier de France, après celui de Beaune. « Trente ans après, on retrouve le même problème d’absence de normes dans les cars. Puisseguin, c’est une répétition de Beaune », souligne cette spécialiste. L’objectif du collectif est « de faire en sorte que cela ne se reproduise plus, souligne Michel Vigier. On veut contribuer à améliorer la sécurité à bord des cars ».