Dordogne: Bientôt à la retraite, les producteurs de fraises se prennent le chou pour trouver la relève
AGRICULTURE•D'ici cinq ans, un grand nombre d' exploitations de fraises pourraient être menacées de fermeture faute de repreneurs dans le département de la DordogneElsa Provenzano
L'essentiel
- En Dordogne, les producteurs de fraises sont inquiets du manque de candidats à la reprise de leurs exploitations.
- Cette culture exigeante et très mal rémunérée n'attire pas les jeunes.
- Les fraisiculteurs misent sur la diversification et la modernisation pour faire envie mais attendent aussi des politiques de soutien à l'agriculture de proximité.
La Dordogne va-t-elle rester une terre de fraises ? Si le fraisier, qui prend beaucoup aux sols, est une plante exigeante, sa culture l’est tout autant. « La production des fraises est l’une des plus chères, souligne Patricia Rebillou, productrice installée à la Douze, en Dordogne. On change les trois quarts de nos plants tous les ans ».
Cette activité agricole particulièrement éprouvante ne parvient pas à séduire les jeunes générations et d’ici cinq ans, cette productrice, également présidente de l’association départementale des producteurs de fraises, craint qu’il ne reste « qu’un quart des exploitations ». Cette vague de départs s’explique parce que trois quarts des quelque 200 fraisiculteurs de Dordogne sont nés entre 1958 et 1964.
De gros horaires pour une petite rémunération
A 45 ans, Véronique Ferreira de Sousa, qui cultive les fraises avec son mari depuis 1997 à Saint-Geyrac ne pense pas encore à la retraite mais elle sait déjà que ses deux enfants n’ont pas envie de reprendre le flambeau. « On fait beaucoup d’heures, lâche-t-elle en interrompant un instant son travail, intense en cette pleine saison, nous on est habitués mais je comprends que ce soit un peu décourageant pour eux ».
« Les enfants ne veulent pas reprendre, renchérit Christian Pineaud, producteur gérant des Délices de Mady à Coulounieix Chamiers. Ils voient qu’on fait énormément d’heures, qu’on travaille sept jours sur sept, qu’on ne prend que trois semaines de congé par an et tout ça pour un petit peu plus que le Smic… Ils ne sont pas fous ». De son côté Patricia Rebillou a davantage de chance puisque le deuxième de ses quatre enfants, ingénieur agronome, veut prendre la suite : « Il y a à la fois une fierté mais aussi une inquiétude pour lui car les tâches administratives sont lourdes et la société est de plus en plus autoritaire vis-à-vis de l’agriculture ».
Comment donner envie aux jeunes ?
A 54 ans, Christian Pineaud commence déjà à penser à la transmission de son entreprise qui ne s’annonce pas facile. Il produit 300 tonnes de fraises par an et 50 tonnes de fruits rouges (framboises, cassis, mûres etc.) et a plusieurs idées pour rendre son activité plus attractive.
Il s’est lancé dans la confection de confitures en utilisant les invendus, une façon de se diversifier tout en luttant contre le gaspillage. Patricia Rebillou s’est, elle, lancée dans les confitures dès le début des années 2000. Soucieux de développer les vertus gustatives de ces différentes variétés de fraises, Christian Pineaud veut aller vers du haut de gamme et glisse d’ailleurs que certains grands chefs utilisent déjà ses produits.
Il mise aussi beaucoup sur l’arrivée de la technologie dans les rangs de fraisiers pour redorer l’image du métier. « On récupère les données collectées par les sondes installées dans le sol sur le smartphone, explique-t-il. Il paraît que beaucoup de gens veulent se remettre au vert donc on espère pouvoir intéresser quelques jeunes ».
Pour Patricia Rebillou, si on veut conserver une agriculture de proximité, il ne faut pas laisser les fraisiculteurs seuls. Par exemple, le défrichage encadré de petites parcelles doit être facilité pour permettre une rotation des terres, alors qu’aujourd’hui il coûte un prix exorbitant à cause d’une taxe (qui peut aller jusqu’à 6.000 euros l’hectare). « Il faut nous prendre au sérieux et écouter le terrain », assène-t-elle.
Si la profession s’affaiblit d’ici cinq ans, c’est toute une économie locale qui va en subir les conséquences (les fournisseurs en plants, matériel agricole et aussi les commerçants qui distribuent les fraises) avertit la présidente de l’association de producteurs. « Il faut aussi voir ce qu’on peut faire dans les écoles agricoles parce que les jeunes ne pensent pas forcément à la fraise mais plutôt à l’élevage ou aux grandes cultures, ajoute-t-elle. Le chantier est vaste ! »