«Gilets Jaunes» à Bordeaux: «Je ne vois pas de lueur de décrue du mouvement» s'inquiète l’adjoint à la vie urbaine
SOCIAL•Si le mouvement mobilise un peu moins depuis un mois, il reste tout de même bien présent et contraint les autorités à maintenir plusieurs mesures de sécurité comme l’interdiction des transports en communMickaël Bosredon
L'essentiel
- Les transports en commun à Bordeaux seront encore interdits de circuler ce samedi en raison de la manif des «gilets jaunes».
- Le directeur de la sécurité publique estime que le dispositif policier permet de contenir les manifestants en dehors du centre, mais que ceux-ci cherchent toujours à y entrer.
- Pour Keolis, la difficulté principale à gérer est le manque d'organisation du mouvement et l'absence d'itinéraire.
Et c’est reparti pour un vingt-cinquième samedi sans transport dans le centre de Bordeaux… « La préfecture nous a confirmé ce jeudi que l’interdiction de circulation des transports en commun sera renouvelée samedi, nous explique Hervé Lefèvre, directeur de Keolis Bordeaux, l’opérateur des transports de Bordeaux Métropole. Nous allons couper à partir de 12h30 pour qu’à 13 h il n’y ait plus aucune rame, ni aucun bus, qui circule en centre-ville. Et nous rétablirons quand nous le pourrons. C’est une situation qui nous gêne énormément, bien entendu » déplore le directeur.
Certes, les manifestations de « gilets jaunes » rassemblent un peu moins de personnes depuis environ un mois. Certes, « il y a moins de dégradations en ville », relève l’adjoint au maire en charge de la vie urbaine Jean-Louis David. Patrick Mairesse, le directeur départemental de la sécurité publique, souligne que le dispositif policier a « permis que les manifestants ne viennent plus dans les rues commerçantes, ce qui a redonné une certaine tranquillité dans le centre. » Et la mairie commence timidement à rouvrir certains établissements qu’elle avait fermés, comme l’Etat-Civil.
« Très peu de visibilité »
Mais la prudence reste de mise. « Il y a encore 1.800 à 2.000 « gilets jaunes » mobilisés chaque samedi » souligne Jean-Louis David. « Le fond de la contestation est encore là. » « On rêverait d’arrêter ce dispositif, abonde Patrick Mairesse, mais les manifestants ne cherchent qu’une chose, c’est aller dans le centre-ville, ce qui nous oblige à bloquer certains axes ainsi que la circulation du tramway sur le tronçon central. Au plan tactique, on ne peut pas laisser circuler le tram dans le centre. »
« Le problème, analyse Hervé Lefèvre, est que nous avons très peu de visibilité sur le volume de manifestants, et sur l’itinéraire que le cortège va prendre. On sait gérer des manifestations quand le parcours est déterminé, mais comme on est dans quelque chose d’approximatif, la préfecture – qui en plus utilise nos emprises pour installer son propre dispositif – nous impose ce type de fermeture. »
« Retrouver une ville qui fonctionne à plein régime »
Pourtant, tous s’accordent à dire qu’il est « urgent de revenir à la normale », car les « commerces et les petites entreprises sont en souffrance » pointe Jean-Louis David. « L’état d’esprit est de retrouver une ville qui fonctionne à plein régime, économiquement et touristiquement. »
« Notre objectif c’est d’attirer de nouveau les habitants de la métropole vers le centre-ville, confirme Hervé Lefèvre. Et quand on va relancer il faudra communiquer de manière très forte pour le faire savoir, et que les gens aient confiance dans le dispositif. Mais c’est bien la préfecture qui donnera le "go", et aujourd’hui, nous n’avons aucune échéance quant à un éventuel rétablissement des circulations. »
Entre 32.000 et 40.000 euros de perte chaque samedi pour Keolis
Pendant ce temps, le compteur des pertes financières tourne à fond. Pour les commerçants évidemment. Pour Keolis aussi. « Nos pertes sont de l’ordre de 32.000 à 40.000 euros par samedi, juste à cause de l’absence des recettes des titres occasionnels. Nous en sommes donc déjà à un million d’euros de perte de recettes. A cela, il faut rajouter le montant des dégâts, qui sont chiffrés à plus d’un million d’euros. Et, chaque samedi nous mettons en place un dispositif spécifique, avec notamment le retournement des rames du tram, ce qui génère du personnel supplémentaire. »
Pour Keolis, le montant des dégâts devrait être couvert par l’assurance. Ce qui ne sera pas le cas pour les dégradations du mobilier urbain de la mairie. « C’est bien pour cela qu’à certains endroits, on ne remplace pas le mobilier de suite » explique Jean-Louis David.
« Pas très optimiste »
Personne, à ce jour, n’est en mesure d’annoncer un retour à la normale. « A la manifestation du 1er-Mai, il y a encore eu des slogans anti-flics et des projectiles ont été lancés, assure Patrick Mairesse, certains sont toujours dans l’attente de pouvoir perpétrer des dégradations. »
« Je ne crois même pas que l’échéance des élections européennes apaisera la situation, estime Jean-Louis David. Il y a chez les manifestants des gens sincèrement en difficulté, et on n’apporte pas de réponse. Parce que les réponses sont difficiles à apporter, malgré les efforts du gouvernement. »
« Je ne vois pas de lueur de décrue du mouvement », s’inquiète l’élu, qui ne se dit « pas très optimiste. »