PARACHUTAGEPourquoi la «greffe» Calmels n'a pas pris à Bordeaux?

Bordeaux: Pourquoi la «greffe» Calmels souhaitée par Alain Juppé n’a-t-elle pas pris?

PARACHUTAGEEn mars 2014, Virginie Calmels était élue sur la liste menée par Alain Juppé qui la voyait bien prendre sa suite à la tête de la ville. Son départ pour le privé, qui a suivi de près celui de son mentor en politique, met un terme à ses ambitions bordelaises
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Virginie Calmels, ex-première adjointe d’Alain Juppé à Bordeaux, a annoncé sa prise de fonction ce lundi chez Barnes France, société d’immobilier de luxe, quelques jours après le départ pour le conseil Constitutionnel d'Alain Juppé.
  • Présentée comme la dauphine d’Alain Juppé, selon certains élus elle aurait eu du mal à endosser le rôle d’élue locale.

Elle devait être la digne héritière politique d’Alain Juppé à Bordeaux. Pourtant, Virginie Calmels a annoncé peu de temps après le départ pour le conseil Constitutionnel de son mentor en politique son retour dans le privé, à la tête d’une société immobilière de luxe.

Elle précise à 20 Minutes qu’elle avait reçu un appel d’un chasseur de têtes fin 2018 et que son départ était déjà acté, il a simplement été accéléré par la démission d’Alain Juppé. Si elle tourne une page de sa carrière politique locale, elle demeure néanmoins conseillère régionale d’opposition en Nouvelle-Aquitaine, un mandat non exécutif qui ne cogne pas avec ses nouvelles fonctions.

« Ni déception, ni amertume »

« C’est Alain Juppé qui est venu me chercher, et je me suis dit que si je refusais je pourrais le regretter, rappelle l’ancienne dirigeante d’Endemol. S'il avait gagné la Primaire, j’aurais été maire de Bordeaux. Cela a été une expérience de cinq ans très riche et à rebondissements, puisqu’on m’a demandé rapidement d’être tête de liste aux Régionales ».

Elle a habité deux ans dans la capitale girondine, avant de retourner en 2017 à Paris, où elle a vécu plus de 30 ans. Un choix qu’elle fait aussi pour sa famille, pointant les difficultés à concilier vie politique et vie privée avec des enfants en bas âge. Elle se défend d’avoir récemment nourri des ambitions politiques pour 2020. « On m’aurait vue un peu plus à Bordeaux dernièrement », pointe-t-elle. Elle avait déjà informé Alain Juppé fin 2018 qu’elle reviendrait dans le privé. « Je suis très heureuse de revenir à mon métier de chef d’entreprise, j’ai toujours dit que je pensais que la politique était une mission et pas un métier, commente-t-elle. Je ne ressens ni déception, ni amertume ».

Des difficultés d’adaptation au milieu bordelais

A son arrivée à Bordeaux, Virginie Calmels n’est pas accueillie à bras ouverts par la majorité municipale, qui découvre progressivement les intentions du maire à son égard. « Quand Alain Juppé a dit que personne n’était digne de lui succéder à part moi, ceux qu’il avait traités de médiocres m’ont mis des bâtons dans les roues, raconte Virginie Calmels. En tout cas ce jour-là, c’était en janvier 2016, je ne me suis pas fait de copains ».

« C’est quelqu’un qui ne coche pas toutes les cases des relations humaines et en particulier de celles qu’il faut déployer pour faire de la politique », estime prudemment Jean Petaux, politologue à Sciences Po Bordeaux. Si tout le monde s’accorde sur la puissance de « son réseau » qui lui a permis d’obtenir de bons résultats sur l’économie, en particulier numérique, on lui reproche une réticence à mettre les mains dans le cambouis de la politique locale. Selon certains de ces anciens collaborateurs, elle fait peu de cas des réunions de proximité et des visites de terrain dans les quartiers. Ce qu’ils attribuent en partie à un défaut « d’accompagnement » ou une « sous-estimation du métier d’élu local ».

Trop libérale pour Bordeaux ?

Une faille idéologique est aussi pointée par certains entre une Virginie Calmels très libérale et des adjoints plutôt attachés à un gaullisme social. En tant que première adjointe, elle se serait concentrée sur le développement économique, au détriment des questions sociales et culturelles. « Il y a des libéraux dans la majorité et beaucoup d’entre eux étaient chez Les Républicains même s’ils partent les uns après les autres », relativise Pierre Hurmic, conseiller municipal d’opposition (EELV), pour qui cette ligne de démarcation ne tient pas. Selon cet élu, c’est son appartenance à « une société civile hors sol, qui n’est pas le monde économique réel, qui peut expliquer que la greffe n’ait pas pris » à Bordeaux. Elle n’aurait pas, entend-on du côté de la majorité, su s’approprier les codes de la ville, marquée par exemple par un tissu associatif très fort.

« Elle n’a jamais été dans l’économie industrielle, c’est peut-être l’époque qui n’est plus comme ça, mais elle a davantage développé une économie à la Niel, avec des effets plus réduits sur le chômage », analyse Jean petaux. Elle revendique néanmoins avoir contribué à la création de quelque 30.000 emplois. Un chiffre contesté par Vincent Feltesse, élu municipal d’opposition (ex-socialiste) qui a évoqué lors du premier conseil municipal présidé par Nicolas Florian, « une tendance à s’accaparer les résultats économiques ».

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Impossible de parler de l’échec d’une implantation durable de Virginie Calmels, sans parler de l' « erreur de casting » d’Alain Juppé, et peut-être aussi d’une période où les parachutages passent de moins en moins auprès d’électeurs avides d’un renouveau démocratique.

La principale intéressée se dit en tout cas très sereine après avoir commencé sa nouvelle vie : « j’ai lu quelque part que je rêverais de prendre ma revanche, c’est vraiment n’importe quoi ».