Bordeaux: Après vingt-cinq ans à la tête de la ville, le bilan d'Alain Juppé en cinq réalisations
POLITIQUE•Après la démission de l'emblématique maire de Bordeaux, un hommage public lui sera rendu ce jeudi à 18 heures dans la cour de l'hôtel de ville. Il a durablement marqué la villeMickaël Bosredon et Elsa Provenzano
L'essentiel
- Alain Juppé restera comme le maire qui a redonné du lustre à Bordeaux, notamment en aménageant les quais et en ravalant les belles façades XVIIIe de la ville.
- Son successeur, Nicolas Florian, assure qu’il est « l’inventeur de l’aménagement urbain de l’espace public. »
- Certaines réalisations font toutefois débat, comme la Cité du vin ou l’écoquartier Ginko.
Alors que le passage de témoin entre Alain Juppé et Nicolas Florian, désigné par la majorité municipale pour lui succéder à Bordeaux, se fera officiellement ce jeudi matin après un vote du conseil municipal, 20 Minutes dresse le bilan des réalisations les plus emblématiques laissées par l’ancien Premier ministre, depuis son premier mandat de maire entamé en 1995.
L’embellissement incontesté des quais
Les façades XVIIIe, très noires, des immeubles des quais bordelais ont été progressivement ravalées au début des années 2000, révélant de belles pierres blondes. C’est un point qui fait l’unanimité à Bordeaux et que lui accorde même Matthieu Rouveyre, élu municipal PS et l’un de ses plus fervents opposants : « Je reconnais qu’il a permis un embellissement de la ville, lui redonnant son lustre sur les quais en particulier, commente-t-il. Il a dépoussiéré la ville. »
Le 28 juin 2007, le port de la Lune a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial au titre d’ensemble urbain exceptionnel. Un classement qui a participé fortement au développement de l’aura touristique de la ville. Dans le même temps, il a aussi contribué à sortir la voiture de certains quartiers, salue également l’élu socialiste. Le nouveau maire, Nicolas Florian, va, lui, plus loin : « Alain Juppé a été l’inventeur et le concepteur de l’aménagement urbain de l’espace public : il a libéré le fleuve et il en a fait un lieu de vie où les gens se rencontrent. Cette signature est indélébile. »
Une Cité du vin, emblème architectural
Ce bâtiment à l’architecture très travaillée a été livré en mai 2016 sur les berges de la Garonne, pour un montant de plus de 80 millions d’euros, revu à la hausse en cours de chantier. Pour les défenseurs du projet, un musée du vin à Bordeaux était un projet incontournable. Matthieu Rouveyre n’est pas vent debout contre cette réalisation mais selon lui, ce n’était pas « la priorité des priorités ». A son sens, des « sommes exorbitantes » ont été mises sur la table alors que des questions cruciales comme le logement peinent à être traitées à la hauteur des enjeux.
L’édification de Ginko, un écoquartier à la mauvaise réputation
Présenté comme le premier écoquartier de la ville, Ginko a commencé à être construit en 2010 sur les berges du Lac et sa livraison complète est annoncée pour 2022. Si Alain Juppé défend bec et ongles ce quartier, une mauvaise réputation lui colle à la peau. Et c’est d’autant plus vrai depuis l’écroulement d’un balcon, en 2015. « Le balcon est symbolique mais les malfaçons révèlent la façon dont il a livré le quartier aux promoteurs », dénonce Matthieu Rouveyre. Pour lui on est sur des constructions « quasi périssables » qui font l’objet « de programmes de défiscalisation et de culbutes financières ».
« Ginko est une réussite, tranche Nicolas Florian. Le paradoxe de ce quartier c’est que ceux qui n’y vivent pas considèrent que c’est un échec, et 70 % de ceux qui y vivent en sont contents. Je pense qu’il y a une forme de snobisme de la part de certains Bordelais. Il s’agit quand même d’un concept novateur, en termes d’espace urbain, de liaisons douces, de choix architectural… »
Darwin, un lieu atypique au cœur d’un conflit
Le site atypique de la rive droite qui mêle économie, écologie et accueil d’associations est devenu le deuxième site touristique le plus visité de la ville, après le miroir d’eau. Le site de la caserne Niel a commencé à être rénové en 2011 avec le feu vert d’Alain Juppé (mais aussi de Vincent Feltesse, alors président de la communauté urbaine). Matthieu Rouveyre regrette que le maire de Bordeaux quitte ses fonctions sans que le conflit qui oppose Bordeaux métropole aménagement et Darwin soit tranché.
« On est dans une phase de médiation, rappelle Nicolas Florian. J’attends de voir les propositions du médiateur, et j’irai sur place reprendre les discussions. Il n’empêche qu’il ne faut pas oublier tout ce qu’a fait Juppé pour ce site, et notamment les terrains qu’il a fait racheter par la métropole pour les mettre à disposition de Darwin. »
Un réseau de tramways saturé ?
Dans un contexte de difficultés de circulation sur la ville et la métropole, la capacité des lignes de tram est mise en cause. « La saturation du tramway révèle la politique de Juppé, pour l’élu socialiste. On fait venir les gens et seulement après, on réfléchit à comment leur offrir des services publics, garants d’un cadre de vie acceptable… »
« Alain Juppé a été celui qui a permis à Bordeaux de regagner des habitants, souligne Nicolas Florian. Une ville qui perd des habitants, c’est une ville en déclin, en souffrance. Et avec le tramway, il a désenclavé des quartiers et rapproché des populations. » Le nouveau maire estime que le maillage de la ville-centre est désormais achevé, et qu’il faut s’occuper maintenant de la périphérie, avec un projet de transport entre les boulevards et la rocade.