«Gilets Jaunes» à Bordeaux: «On n’en peut plus de ces violences, on est en danger», alertent les commerçants
MANIFESTATIONS•Alors que se profile l’acte 10 des «gilets jaunes», samedi prochain à Bordeaux, les commerçants du cours Pasteur, particulièrement touchés par les violences en marge des manifestations, expriment leur ras-le-bol…L'essentiel
- Bordeaux est devenu un «bastion» des manifestations des «gilets jaunes», qui se terminent systématiquement par des affrontements avec les forces de l'ordre.
- Des dizaines de commerces du centre-ville en font les frais, notamment ceux du cours Pasteur, un axe stratégique des manifestations.
- Plusieurs commerçants se sont fait casser leurs vitrines et pillé, et réclament l'arrêt de ces violences.
Cours Pasteur à Bordeaux, la cinquantaine de commerçants n'en peut plus. A quelques heures de l’acte 10 des « gilets jaunes », ces professionnels alertent sur ce qu’ils subissent chaque samedi depuis la fin du mois de novembre, dans cette rue stratégique située entre les places Pey-Berland et la Victoire.
Ce jeudi, Frédérique Bardet, qui tient la pharmacie du cours Pasteur, raconte que « chaque samedi en fin de manifestation, les flics refoulent plusieurs manifestants ici, dans le cours Pasteur. Il y a de tout : des « gilets jaunes » mais pas seulement… Et après, ça dégénère, ça casse… Les gens partent un peu partout, dans les ruelles adjacentes, et les flics en coursent certains. C’est du grand n’importe quoi. »
« Ils ont tout pillé, vidé, ont tout rassemblé sur les voies du tram, et ont mis le feu »
Un samedi de début décembre, « alors que mes collègues de travail étaient en train de baisser le rideau à la hâte car la situation dégénérait, ils ont même essuyé des tirs de Flash-Ball [de lanceurs de balle de défense] ! Alors maintenant, on ouvre le samedi matin, mais on ferme l’après-midi, depuis trois semaines déjà, poursuit-elle. Et ça va crescendo. Place de la Victoire, il y a du sang partout le samedi soir, et ça n’émeut personne. Personne ne semble se rendre compte de ce qu’il se passe. Les clients ne viennent plus en ville, et nous entre commerçants, les discussions dorénavant c’est : "et toi tu fais quoi samedi ? Tu ouvres ou tu te barricades ?" On demande que cette violence s’arrête. »
« On n’en peut plus de ces violences, on est en danger chaque semaine », confirme Emmanuelle, directrice de l’agence de voyage Globe Travel. A bout de nerfs, elle raconte comment elle a subi son troisième sinistre samedi dernier. « Après les vitrines cassées, cette fois-ci, les casseurs sont allés encore plus loin : alors qu’on avait fermé l’agence, ils ont détruit les protections qu’on avait installées pour pénétrer à l’intérieur et ils ont tout pillé, vidé. Ils ont rassemblé des câbles électriques, du matériel de bureau, ont tout mis sur les voies du tram et ils y ont mis le feu ! Ils sont enragés et incontrôlables. Et il y avait 200 personnes dans la rue qui regardaient en attendant que ça passe. » L’agence de voyage est désormais… murée avec des parpaings.
« On a fini par monter la garde nous-mêmes devant nos commerces »
« On a appelé la police samedi, continue Emmanuelle, mais elle nous a dit qu’elle ne pouvait pas venir, et qu’il fallait qu’on prenne des photos pour porter plainte. On nous a laissés comme ça. On était complètement désemparés. On a fini par monter la garde nous-mêmes devant nos commerces. C’est juste aberrant. On appelle au secours depuis des semaines, et il n’y a personne, alors qu’on a prévenu que ça allait dégénérer. »
A la CCI (Chambre de commerce et d'industrie) et à la ville de Bordeaux, on assure être conscients du problème. « Les commerçants en prennent plein la gueule, et si ça continue comme ça nombre d’entre eux vont fermer et le chômage va suivre, confirme le vice-président de la CCI Philippe Loiseau. Il y a ceux qui se font casser, et il y a les commerçants qui ne travaillent pas car les gens ne viennent plus. »
Parmi les solutions à mettre en œuvre, « il faut les aider, bloquer leurs dettes, et on va tous réfléchir pour leur trouver des solutions, car s’il n’y a plus de commerce il n’y a plus de vie. Mais il faut aussi que les consommateurs retournent dans ces commerces », implore Philippe Loiseau, qui assure de son côté que « ce n’est pas la guerre civile non plus » dans les rues.
90 % des commerçants disent avoir subi une baisse de chiffre d’affaires
La ville de Bordeaux annonce de son côté qu’elle va « exonérer les droits de terrasse du mois de décembre » et « favorisera des étalements de paiement. » « S’il faut aller plus loin on y réfléchira » assure Maribel Bernard, élue en charge des commerces. Par ailleurs, « la ville fournit énormément d’efforts pour nettoyer très vite après les manifestations, afin qu’elle retrouve un aspect attractif le plus rapidement possible. »
Selon une enquête de la CCI menée auprès de 300 commerçants bordelais sur le mois de décembre et le premier samedi de janvier, 90 % d’entre eux disent avoir subi une baisse de chiffre d’affaires, qui peut aller jusqu’à 50 % pour 23 % d’entre eux.