Bordeaux: «L'un des gros enjeux d'Euratlantique est de lutter contre l'étalement urbain»
INTERVIEW•Le directeur général de Bordeaux Euratlantique, Stephan de Faÿ, vole au secours du concept de densification, mis à mal ces derniers temps par certains élus de la métropole bordelaise…Mickaël Bosredon
L'essentiel
- Pour le directeur général d’Euratlantique, il faut continuer à construire en ville pour lutter contre l’étalement urbain.
- Il s’agit d’un enjeu environnemental pour les prochaines décennies, assure-t-il.
- Il faut toutefois produire des quartiers de qualité, en réservant une grande place aux espaces verts.
S’étalant sur un périmètre de 730 hectares sur Bordeaux, Bègles et Floirac, l'OIN (Opération d'Intérêt National) Euratlantique est actuellement l’une des plus grosses opérations urbanistiques de France. Si on met régulièrement en avant des projets de structures telles que la Meca (Maison de l’économie créative d’Aquitaine), le pont Simone-Veil ou encore la tour In-Nova, le directeur général d’Euratlantique vient d’annoncer il y a quelques jours que ce périmètre réservera aussi 100 m2 d’espaces verts par habitant. L’occasion pour Stéphane de Faÿ de revenir pour 20Minutes sur le concept de densification, à un moment où celui-ci est sérieusement remis en cause sur la métropole de Bordeaux…
Vous annoncez que sur le périmètre Euratlantique, le ratio sera de 100 m2 d’espaces verts par habitant. C’est beaucoup. C’est en tout cas plus que ce que l’on trouve à Bordeaux actuellement…
Oui et c’est absolument essentiel, car ce qui nous plaît dans notre vie sur la métropole, c’est aussi la proximité de parcs. Alors, très clairement en centre-ville on peut mieux faire. Mais ce n’est pas sur la place Pey-Berland que l’on va planter un parc demain. Toutefois, ce ratio à Euratlantique est rendu possible par la densification : on ne peut pas faire 100 m2 d’espaces verts par habitant, si on ne monte pas à six ou huit étages à certains endroits. Si on fait des immeubles de trois étages partout, il n’y a pas d’espaces verts.
Cela dit, à voir les grues et les bâtiments actuellement, cet aspect « vert » d’Euratlantique ne saute pas aux yeux pour le moment…
C’est vrai et pourtant nous réalisons bien 50 ha d’espaces verts, dont certains ont déjà été livrés d’ailleurs. Comparez les photos aériennes du quai Deschamps rive droite, il y a cinq ans et aujourd’hui. Le parc a pris ses droits avec une belle végétation. Nous commencerons dans quelques semaines les travaux du jardin Suzanne-Lenglen, qui va prendre la suite du stade Promis, et que l’on a voulu en plein cœur de ce futur quartier. On aura aussi le jardin de l'Ars [sur la ZAC Saint-Jean Belcier] dont on va commencer les travaux à la fin de l’année 2019, qui est un parc d’une dizaine d’hectares quand même, soit la taille du Jardin public.
Et il y aura le parc Eiffel [sur la ZAC Garonne-Eiffel rive droite, dessinée par l'agence TVK], qui aura un rôle de gestion des inondations [il servira de bassin de stockage des eaux en cas de crues]…
C’est un sujet d’actualité et un très gros enjeu environnemental pour les prochaines décennies….
Oui. Un de nos grands enjeux avec tous ces aménagements, est de lutter contre ces accélérateurs de phénomènes catastrophiques comme on vient d’en vivre dans l’Aude, qui sont les lotissements et donc l’étalement urbain.
« Avec la pression démographique que l’on a, tous les logements que l’on ne crée pas chez nous, ce sera du pavillon, et on le voit bien au sud de Latresne ou en allant vers le Bassin d’Arcachon… Ce sont des choses assez terribles, et qui jouent sur la congestion aussi, puisque ces gens n’ont pas d’autres choix que d’utiliser leur voiture. »
Pour autant, il faut que la qualité de ce que l’on produit soit pleinement attrayante et satisfaisante.
La densification est tout de même un équilibre de plus en plus difficile à réussir, et on le voit avec les déclarations récentes de maires de la métropole, à Pessac ou à Mérignac, qui annoncent vouloir freiner les permis de construire sur leurs communes…
Là-dessus, on a tous à travailler la pédagogie. En général, ces maires ont peur de la réaction de leurs administrés face aux conséquences négatives de tel ou tel projet. Mais, la plupart du temps, on a du mal à expliquer les effets positifs de ces projets d’une part, et surtout toutes les conséquences négatives à la non-décision de faire. Regardez le logement étudiant : à force de ne pas en faire, ou quasiment pas, on se retrouve dans une situation de crise. Et des nouveaux habitants, c’est aussi une capacité financière supplémentaire pour une collectivité, ne l’oublions pas.
Donc, si les inquiétudes des riverains sont parfois légitimes, il y a aussi beaucoup de travail de pédagogie, ce qui permet en plus d’avoir au final une meilleure acceptabilité de l’opération.
« C’est un gros enjeu, car tous les logements qui ne seront pas faits sur la métropole bordelaise, ce sera de l’étalement urbain, ce sera de la congestion, et de la hausse du prix de l’immobilier. »