L'essentiel
- Gérard Favarel est devenu propriétaire de cette île en 2001, et il a fait passer l'exploitation des 14 ha de vignoble en bio.
- Balayé par les vents et alimenté par les marées, son vignoble pourrait être moins impacté que d'autres face au réchauffement climatique.
- Au 19e siècle, lors de l'épidémie de phylloxéra, seul le vignoble des îles avait résisté dans le bordelais.
Entre le bec d’Ambès et Pauillac, les îles de l’estuaire sont une des merveilles de la Gironde. Tout le monde ne le sait pas, mais on produit encore du vin sur certaines d’entre elles, essentiellement sur l'île Margaux, l’un des tout derniers « bordeaux des îles. » Les vendanges des 14 hectares de cette petite île de 20 hectares, où sont représentés les cinq cépages du médoc - merlot, cabernet sauvignon, petit verdot, malbec et cabernet franc - ont démarré ce lundi.
L’origine des vignes sur l’archipel de l’estuaire de la Gironde se perd un peu dans le temps. Surtout concernant l’île Margaux. Ce qui est certain, c’est que des vignobles ont été introduits, ou réintroduits, au 19e pour la plupart d’entre eux.
Propriétaire de l’île Margaux depuis 2001, Gérard Favarel a tout de suite compris le potentiel en « développement durable » qu’abritait ce site. « Ici, c’est au sens étymologique, la puissance de la vie. C’est la nature dans toute sa splendeur, qui tranquillement fait des merveilles. Il n’y a jamais d’excès, jamais de manque, donc la plante est dans un état parfait d’expression. Et il y a une densité d’insectes pollinisateurs sauvages qui n’existe pratiquement nulle part ailleurs. »
« Le vrai médecin de la vigne, ce n’est pas le Roundup, c’est le vent »
C’est donc tout naturellement qu’il a fait progressivement passer son vignoble en bio. « Ce qui m’a amené à prendre cette décision c’est que sur la digue, longue de 2 km, on a planté des arbres fruitiers de variétés différentes, et ils donnaient des fruits merveilleux. Alors, on est passé en bio doucement. » Une transition facilitée par un autre élément fondamental : le vent. « Pour vendanger bio, il faut du vent, car le vrai médecin de la vigne, ce n’est pas le Roundup, c’est le vent. »
Il a d’abord fallu quatre années « avant de reprendre la main sur la nature. » « C’est un cap long à passer, mais une fois effectué, le passage en bio est une évidence parfaite. Le raisin est de meilleure qualité, et ensuite vous avez une vigne plus résistante, capable de trouver une forme d’équilibre à peu près stable. »
« Nous allons redevenir un vrai conservatoire du vin de Bordeaux »
Gérard Favarel pense même qu’à la faveur du vent qui le balaye et des marées qui le nourrissent, son vignoble est mieux armé que d’autres face aux défis du réchauffement climatique. « Ce que nous dit le Giec c’est qu’en Aquitaine, en 2050, nous aurons le climat Andalou. Pour le vin, cela va changer beaucoup de choses. Mais sur notre île, il y a un élément déterminant pour le vin, c’est l’eau de la Garonne, qui fait que tous les écarts thermiques sont amortis. Quand il faisait 35 °C cet été à Bordeaux, ici on avait 29 °C-30 °C. Nous serons moins directement impactés par cette violence climatique extrême. La conséquence du réchauffement climatique va même venir confirmer le caractère exceptionnellement bon de ces bordeaux des îles. »
Quand d’autres terroirs vont devoir s’adapter, voire faire évoluer leurs cépages, Gérard Favarel pense que sur l’île Margaux, « nous allons redevenir un vrai conservatoire du vin de Bordeaux, comme on l’a été au 19e. » Face à l'épidémie de phylloxéra qui a dévasté le vignoble bordelais à cette époque, seules les vignes des îles, que l’on inondait en hiver, avaient en effet résisté.
Cette année, c’est le mildiou qui a particulièrement impacté le vignoble bordelais. Et la grêle, qui a détruit des parcelles entières dans les terres du Médoc situées juste à côté. « Du mildiou on en a eu aussi. En revanche, il faut savoir que sur ces îles, il ne gèle et il ne grêle pas, en raison des courants d’air ascensionnels. »
Une merveille de la nature, on vous dit.