ENVIRONNEMENTLa première villa Shamengo au monde va-t-elle ouvrir à Bordeaux?

Bordeaux: Une villa Shamengo bientôt installée pour «expérimenter une utopie»?

ENVIRONNEMENTLa villa Shamengo consiste à apprendre aux citoyens à « vivre autrement en ville demain », explique Catherine Berthillier, porteuse du projet à Bordeaux. Une association de riverains s’inquiète de son implantation sur une emprise publique…
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Le projet d’une villa Shamengo, présentée comme un lieu de démonstration d’innovations environnementales et sociales, se précise sur les allées Serr de la rive droite bordelaise, sur 1.200 m2.
  • Une association de riverains critique le manque de concertation du projet, prévu sur une emprise publique, et demande une consultation des habitants sur ce dossier.
  • Le conseil de Bordeaux Métropole va se prononcer le 6 juillet sur ce projet porté par l’association Shamengo.

Le 6 juillet prochain, le conseil de Bordeaux Métropole se prononcera sur le projet d’une villa Shamengo, envisagé sur un terre-plein de l’allée Serr, sur la rive droite Bordelaise, dès 2019.Lors d’une première étape, il s’agirait de mener un chantier collaboratif avec des méthodes de construction alternatives pour 1.200 m2 de villa dont 600 m2 de serres.

Catherine Berthilier, journaliste et réalisatrice, porte le projet de villa Shamengo à Bordeaux.
Catherine Berthilier, journaliste et réalisatrice, porte le projet de villa Shamengo à Bordeaux.  - Shamengo

Derrière ce projet associatif on trouve la journaliste et réalisatrice Catherine Berthillier qui parle d’une « maison-école-laboratoire du nouveau monde », qui a pour objectif de « faire comprendre les enjeux qui nous attendent pour mieux y répondre ». Il s’agit d’enjeux environnementaux mais aussi sociaux et économiques donnés à voir à travers environ 150 innovations glanées à travers le monde entier. « On est là pour expérimenter une utopie », lance Catherine Berthillier.

Une association dénonce le manque de concertation

Une association de riverains, représentant une soixantaine de familles du quartier Bastide, s’émeut du manque de concertation sur ce projet prévu sur une emprise publique. « Il y a un défaut majeur d’information et de concertation, alors même que le projet se réclame du développement durable qui inclut une démarche participative », regrette Noël Eyrignoux, président de l’association pour la conservation et la promotion des espaces libres de la Bastide (ACPEL). Elle a lancé une pétition contre ce projet qui a récolté plus de 600 signatures et elle a écrit au maire de Bordeaux pour demander une consultation des riverains.

« On a le droit de n’être pas satisfait de cette mise à disposition mais on est là pour donner vie à ces allées qui sont quand même sinistres. Heureusement le projet rencontre beaucoup d’enthousiasme, s’il y avait eu une large majorité de gens qui s’y opposait on n’aurait pas poursuivi », rétorque Catherine Berthillier à l’association.

Le projet s'étend sur 1.200 m2 dont 600 m2 de serres.
Le projet s'étend sur 1.200 m2 dont 600 m2 de serres.  - Shamengo

L’association demande une autorisation d’occupation du domaine public par la villa Shamengo pour cinq ans, durée au bout de laquelle la villa, entièrement démontable et transportable, pourra être déplacée dans une autre ville. A ce moment-là, la villa Shamengo prendrait ses quartiers définitifs dans la caserne de la rive droite, une fois le déménagement des pompiers effectif.

Catherine Berthillier a fait pendant huit ans un tour du monde à la rencontre de porteurs de projets appelés innovateurs ou pionniers, peu connus du grand public, dont elle veut promouvoir les inventions. « Sur le chantier, il s’agira de découvrir cinq systèmes constructifs (maison passive sur le système du lego mais en bois, système extrêmement solide en carton, en chanvre etc.). L’idée est de pouvoir les tester et de rencontrer ceux qui les développent », précise Catherine Berthillier. Les technologies utilisées pour la construction de la villa seront éprouvées mais celles mises en avant dans un second temps pourront être en cours de développement.

La villa est présentée comme un lieu ouvert à tous, gratuitement, où l’on pourra tester une douche qui économise 80 % d’eau ou des toilettes sans eau, par exemple. Des résidents volontaires y seront installés par tranche de six mois pour y tester les différentes innovations. « Certaines ne seront peut-être pas à la hauteur de ce que nous attendons, et nous le dirons aussi, dans le respect du travail qui a été fait », ajoute-t-elle.

Une table d’hôtes et un éco-refuge

Outre la force de travail des bénévoles des membres de l’association, le projet s’appuie sur des partenaires publics comme la caisse des dépôts et consignations et privés, comme Eiffage. « On veut les aculturrer à de nouveaux modes de construction », explicite Catherine Berthillier, qui ne donne pas de chiffre sur le coût de construction du projet, à ce stade. Pour accueillir tout le monde gratuitement, en assumant les coûts de fonctionnement, l’association aura recours à des activités payantes mais « très bon marché » comme une table d’hôtes et un éco-refuge.

« L’idée c’est que Bordeaux soit une terre d’expérimentation et qu’elle parle au reste de la France et du monde, s’enthousiasme-t-elle. Il se passe un truc incroyable à Bordeaux, cela ne sert à rien d’aller dans la Silicon Valley, c’est ici que ça se passe ! » L’objectif à terme est de dupliquer ce modèle de villa Shamengo dans d’autres villes françaises.

Très inquiète pour la qualité de vie du quartier, en plein essor démographique, l’association ACPEL reste mobilisée : « cela revient à privatiser l’allée Serr au profit d’une association parisienne, sans concertation », s’étrangle Noël Eyrignoux.