Bordeaux: Les arbres font-ils les frais de la densification de la ville?
NATURE•Place Gambetta, dans le quartier Benauge ou au Grand Parc à Bordeaux, des arbres sont abattus pour des projets d’aménagements ou des constructions de logements. Alors que certains citoyens et les écologistes s’émeuvent de ces coupes, la Ville parle d’une gestion durable de ce patrimoine arboré…Elsa Provenzano
L'essentiel
- Des coupes de grands arbres ont été réalisées ou sont prévues pour plusieurs aménagements urbains à Bordeaux.
- Un collectif de citoyens s’est constitué pour s’opposer à l’abattage de 17 marronniers sur la place Gambetta et le groupe écologistes de la mairie de Bordeaux déplore aussi de trop nombreuses coupes.
- La Ville explique qu’elle applique une gestion forestière à son patrimoine arboré et que les coupes réalisées en vue d’aménagements urbains se font à la marge.
Place Gambetta, 17 marronniers sur les 44 plantés vont être coupés dans le cadre du projet de réaménagement de cet espace vert. A la Benauge, six platanes ont été abattus par le bailleur qui gère le parc de logements sociaux et pour les travaux du tram D, une soixantaine de chênes ont été mis à terre pour faire place nette. « La nature est considérée comme une variable d’ajustement des projets urbains, déplore Delphine Jamet, conseillère municipale EELV à la mairie de Bordeaux. Alors que sa protection devrait être un principe absolu. »
« Ce n’est jamais un plaisir [de couper des arbres] mais quand on le fait c’est qu’on est arrivé au bout d’un processus de décision, rétorque Magali Fronzes, adjointe à la ville verte. Il faut trouver le bon compromis entre le développement de la ville et son aménagement. »
Pour le collectif Les marronniers de la place Gambetta, le compromis n’est pas acceptable. « Certes il y aura davantage d’arbres une fois le réaménagement terminé mais ce seront des espèces plus petites permettant moins de captations de CO2 et offrant moins de zones d’ombrages », pointe Magali, membre du collectif, qui a lancé une pétition contre cet abattage programmé, récoltant près de 5.000 signatures en ligne. « Rue Ravez, des pruniers ont été coupés pour un chantier et sur les visuels, on voit de grands arbres en remplacement, mais il faudra attendre 20 ans pour qu’ils atteignent cette taille, en réalité », renchérit Delphine Jamet. Au total, la place Gambetta réaménagée comptera 71 arbres, « des essences résistantes au changement climatique parce qu’on travaille pour les cent prochaines années », précise l’adjointe à la ville verte.
Des marronniers « mal plantés »
Le collectif sensibilise les riverains à sa cause tous les mardis à partir de 18h, sur la place Gambetta. Actif depuis décembre, il pointe le manque de concertation sur le projet. « On nous dit que les réunions publiques ont eu lieu mais quand on sonde 500 personnes en plusieurs mois, elles ne sont pas au courant », fait valoir Magali. La direction des espaces verts de la ville dit avoir étudié le système racinaire de ces marronniers, un préalable à toute décision de coupe sur l’espace public, qui auraient été mal plantés et qui ont alors « moins de chance de se pérenniser dans le temps ». Un argument que les défenseurs des marronniers ont tendance à juger de mauvaise foi, compte tenu de la vivacité et de longévité des arbres.
A la Benauge, les coupes de six arbres, dont trois appartenaient à Bordeaux Métropole, ont été réalisées pour le compte d’un opérateur privé. Les arbres n’étaient pas classés et ne pouvaient donc pas faire l’objet d’une protection. « Il y a eu une commission d’avant-projet avant que le permis soit déposé et cela a été discuté mais dans ce cas-là, il n’a pas été possible de conserver les arbres, détaille Magali Fronzes. Mais c’est souvent dans l’intérêt des promoteurs de le faire. »
Pour les défenseurs du patrimoine arboré de la ville, la place Tourny est aussi un exemple éloquent de la place réservée aux arbres. Le manque de végétalisation avait d’ailleurs été pointé par les riverains lors de la réunion publique de présentation du projet architectural . « L’été, les bancs et les microfontaines vont se retrouver en plein cagnard », pointe l’élue écologiste d’opposition.
Par an, 700 plantations et 300 coupes
La Ville défend une gestion plus « moderne » de son patrimoine arboré. Elle coupe environ 300 arbres par an et en plante 700 nouveaux. « C’est une gestion forestière qui passe par un renouvellement et une diversification, explique Magali Fronzes. Il y a 15 ans, on trouvait cinq essences seulement contre 160 espèces aujourd’hui ».
Quand on parle de Bordeaux comme une ville minérale, cela fait bondir l’élue qui fait valoir les 50.000 arbres de la ville centre et assure que les Quinconces font partie des plus grandes forêts urbaines d’Europe. « Les abattages pour cause de projets d’aménagement se font vraiment à la marge », assure l’élue.
Pour avoir une vue plus globale sur son patrimoine végétal, le groupe écologiste préconise que la mairie comme d’autres collectivités françaises se munisse de l’outil arboclimat, qui permet d’évaluer « la capacité de l’essence à stocker le carbone, à participer à la biodiversité et sa capacité d’élimination de la pollution ». L'outil existant « arbres » recense simplement les essences, donne leurs tailles et permet de les localiser.