Municipales à Bordeaux: «On est the place to be, mais on a quand même des difficultés», estime Feltesse
POLITIQUE•Après son expérience en tant que conseiller auprès du président François Hollande, le socialiste Vincent Feltesse, ancien président de la communauté urbaine de Bordeaux, prépare sa candidature pour les municipales de 2020...Propos recueillis par Elsa Provenzano
L'essentiel
- Vincent Feltesse, socialiste, confirme sa candidature aux municipales de Bordeaux en 2020.
- Si la ville a renforcé son attractivité, il estime que des effets négatifs se font sentir, notamment sur les prix des logements.
- En 2018, il travaillera à faire émerger des propositions politiques en vue de sa campagne.
Après sa défaite en 2014 face à Alain Juppé, le socialiste Vincent Feltesse avait bien assuré qu’il serait « le prochain maire de Bordeaux ». Après trois ans à conseiller François Hollande, alors président de la République, une expérience qu’il raconte dans son livre « Et si tout s’était passé autrement », il est aujourd’hui magistrat financier et conseiller municipal à Bordeaux. Il n’a pas renoncé à ses ambitions municipales et prépare des propositions concrètes pour 2018.
Comment envisagez-vous l’échéance de 2020 ?
Je l’envisage sereinement, je suis un garçon tenace. La question de la surchauffe n’était pas présente il y a 18 ou 24 mois à Bordeaux. Et je pense que le sujet aujourd’hui c’est : qu’est-ce qu’on veut pour notre ville et notre métropole ? Je travaille depuis deux ans avec Bordeaux Métropole des quartiers 2020 (une association autour de sa candidature) et notamment au travers des événements organisés par Cogitons Bordeaux (qui propose des ateliers thématiques). On a rattrapé notre retard sur les autres grandes métropoles, on est « the place to be » mais on a quand même des difficultés. Ce qui m’intéresse, c’est de formuler un projet pour Bordeaux. L’année 2018 sera une année de propositions.
Quelle est votre analyse concernant l’augmentation importante des prix de l’immobilier à Bordeaux, la pénurie d’offres pour les étudiants, et la difficulté croissante pour les familles de s’y loger ?
On a eu un problème d’anticipation et je mets toujours en parallèle ce qui se fait sur Euratlantique et ce qui se fait sur le reste de la ville. Sur Euratlantique, on a plutôt bien anticipé les choses. A partir de septembre 2008, on met en place l’opération d’intérêt national : on maîtrise le foncier, on ne fait pas trop de logements défiscalisés, on ne permet pas à tous les commerces de venir et c’est donc un endroit assez régulé.
Sur le reste de la ville cela a été moins le cas, on aurait dû créer auparavant un établissement public foncier, j’avais déjà tenté de défendre cette idée, afin de limiter la défiscalisation. Le retard pris dans le logement social n’est pas anecdotique, certes il ne fait pas baisser les prix mais il permet de loger les familles monoparentales, les étudiants etc. Le réveil sur le logement social (16 % à Bordeaux) est insuffisant.
Quelles seraient selon vous les mesures à prendre pour améliorer la situation du logement ?
Sur le phénomène des locations de type Airbnb, il faut continuer à durcir la réglementation et envisager des allers-retours permanents entre l’Etat et la Ville pour faire évoluer les outils législatifs car on constate une flambée des prix et un effet d’évitement. La réglementation annoncée, (à partir de mars 2018 sur Bordeaux) c’est un progrès mais il faudra faire un bilan très vite pour éventuellement la durcir. Je rappelle que certaines grandes villes envisagent d’interdire totalement ce type de locations car elles considèrent qu’il s’agit d’un phénomène spéculatif.
Certains quartiers vont muter dans les années qui viennent et il faudra être extremement régulateur. Je pense à une partie du quartier de la gare, au cours de la marne, au cours de l’Yser, aux boulevards, des secteurs qui sont encore populaires.
Il faut aussi limiter la construction de logements défiscalisés. Il y a des effets pervers car les incitations fiscales sont telles que les gens ne sont pas très regardants sur les prix des logements qu’ils achètent. On dénombre 70 % de logements défiscalisés sur le quartier des Bassins à flot et 30 % sur Euratlantique. Il faut qu’on se donne un plafond car on en fait beaucoup par rapport à d’autres grandes villes.
Alain Juppé estime que cette montée des prix est en quelque sorte la rançon du succès d’une ville devenue très attractive, pour les touristes et les nouveaux habitants, qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas du tout d’accord avec l’analyse d’Alain Juppé, disant que pour faire baisser les prix des logements il faut faire plus de logements, parce qu' avec les logements défiscalisés cela ne se voit pas sur les prix au m2. A Rennes et dans d’autres villes, on a réussi à contenir les prix. Je pense que l’expérience de l’encadrement des prix des loyers mérite peut-être d’être tentée.
Comment réagissez-vous à la polémique sur une certaine hostilité supposée des Bordelais vis-à-vis des Parisiens qui s’installent dans la ville ?
C’est anecdotique et en même temps, cela traduit quand même quelque chose. Il n’y a pas une discussion avec des amis ou des repas de quartiers où il n’y a pas ces questions-là posées. Je pense qu’on a intérêt dans les années à venir à renforcer la vie associative et culturelle, pour consolider le ciment commun et éviter qu’on ait le sentiment d’avoir les nouveaux habitants, les anciens et les exclus.
Je pense aussi qu’il faut faire attention au risque de surdensification sur les grands quartiers qui émergent comme Ginko, Bassins à flot, Niel et Brazza, même si j’ai eu ma part de responsabilité dans leur construction (en tant qu’ancien président de la communauté urbaine de Bordeaux). Je ne suis pas sûr que ces concentrations d’habitants ex nihilo avec 5.000, 15.000 ou 20.000 personnes qui arrivent du jour au lendemain, ce soit totalement satisfaisant dans le temps. On ne sait pas comment ça va vieillir ni comment va se faire l’articulation avec les populations déjà présentes. A mon sens, il faut réfléchir également à une politique de l’habitat à plus grande échelle, en lien avec des villes extérieures à la Métropole qui ont des gares TER.
On a l’impression que la métropole qui se veut millionnaire, ne se donne pas toujours les moyens de ses ambitions. Qu’en pensez-vous ?
La notion de Métropole millionnaire on l’a co-inventé avec Alain Juppé parce que c’était aussi montrer qu’on est un tout, et qu’il fallait une ambition. Est-ce que ce million on ne l’a pas déjà atteint ? C’est une question à se poser car si on prend l’agglomération avec Saint-André-Cubzac, on est à un million. N’est-il pas plus judicieux de rendre les interactions positives plutôt que de continuer à croître ?
Il y a besoin de faire une sorte de New Deal métropolitain, notamment sur la question des finances. On ne peut pas avoir d’un côté la Métropole qui n’est que sur les grands équipements et de l’autre les associations qui sont dans une extrême précarité et par exemple les écoles qui sont manquantes ou mal entretenues. On a besoin de revenir à du quotidien de proximité, sinon cela ne va pas bien se passer.