ENVIRONNEMENTDes soutiens pour le maire Charentais auteur d'un arrêté anti-pesticides

Des soutiens pour le maire Charentais qui avait pris un arrêté anti-pesticides, annulé par le préfet

ENVIRONNEMENTUne pétition en ligne a été lancée pour soutenir Michel Tricoche, maire de gauche de Ruelle-sur-Touvre en Charente et elle a recueilli près de 24.000 signatures. Un collectif de médecins lui apporte également son appui…
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

Le 17 mars, Michel Tricoche, maire de gauche sans étiquette de la commune de Ruelle-sur-Touvre en Charente, prend un arrêté interdisant les pulvérisations de pesticides à moins de 50 mètres des habitations. Dès le lendemain, un représentant de la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) réagit vivement, le menaçant de déposer un chargement de fumier devant sa mairie. La fédération agricole saisit le préfet qui annule alors l’arrêté, au motif que cette question ne relève pas de la compétence municipale.

Prendre en compte les habitations

« J’ai simplement repris l’arrêté du préfet, en remplaçant "bâtiments publics" par "habitations", se défend Michel Tricoche. J’ai la responsabilité de protéger mes administrés des dangers imminents et je pense que l’épandage de produits cancérigènes peut en faire partie. » Le collectif Alerte des Médecins sur les Pesticides exprime sa solidarité avec le maire dans un communiqué : « Le législateur s’il trouve légitime de protéger les "publics vulnérables" à la porte des écoles ou des hôpitaux par exemple, pense que ça ne l’est plus quand ces mêmes enfants sont tout simplement chez eux ». Une pétition en ligne lui apporte aussi son soutien et a déjà recueilli près de 24.000 signatures.

Le maire Charentais aurait pu former un recours devant le tribunal administratif après la décision du préfet, mais il explique qu’il ne veut pas y consacrer de l’argent, sachant qu' « on est sûr de perdre contre l’Etat ». S’il renonce sur le terrain judiciaire, il compte bien continuer à s’investir sur le sujet, tout en soulignant qu’il « n’a rien contre le monde agricole » et qu’il souhaite une table ronde avec les différentes parties.

Sur cette commune rurale, les cultures sont principalement céréalières (blé, avoine, maïs) et si l’élu a pris cet arrêté c’est après des plaintes répétées de ses administrés. « Lors des réunions publiques, les riverains se plaignent de ne pas être au moins prévenus des épandages, cela dégage une forte odeur et le linge mis à sécher peut se trouver coloré, explique le maire de Ruelle-sur-Touvre. Les pulvérisations peuvent être très proches ».

« Si l’arrêté n’est pas de sa compétence, cela, ce n’est pas à nous d’en juger mais il faut quand même tenir compte des habitations, relève le docteur Pierre-Michel Périnaud, membre du collectif Alerte des Médecins sur les pesticides. Il faudrait que le préfet réunisse les parties prenantes ».

L’exemple Limousin

Ce médecin prend l’exemple de son territoire, le Limousin, sur lequel vient d’être signée une charte d’évolution des pratiques agricoles. Il y a deux ans, le ton était monté entre pomiculteurs et riverains.

La préfecture a alors organisé des réunions entre les coopératives de pomiculteurs, des représentants des riverains, des médecins et les services de l’Etat pendant près d’un an et demi. Le mois dernier, une charte a été signée dans laquelle les producteurs de pommes s’engagent notamment à diminuer l’usage des substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) et des perturbateurs endocriniens. « Alors qu’il y a deux ans, ils niaient le risque de dérive aérienne », souligne Pierre-Michel Périnaud. Un comité de suivi a été mis en place et se réunira chaque année.

Des manches à air vont être installés pour qu’une évaluation objective de la puissance du vent soit possible, des haies anti-dérive vont aussi être plantées et à terme, l’installation de cultures biologiques est prévue dans les secteurs soumis à la dérive et proches des habitations. Certains pomiculteurs visent même le 0 insecticide et vantent les vertus des pièges à phéromones. « Nous sommes les médecins de tout le monde et ne voulons pas de guerre de tranchée, conclut le médecin. Notre expérience nous a montré qu’en deux ans, les positions évoluent ».

La FNSEA s’est opposée à la signature de la charte, estimant que ce qui se passe dans les champs, c’est son affaire. « Mais non justement, c’est un problème de démocratie sanitaire ! », insiste le représentant du collectif de médecins contre les pesticides.