SOCIETEAméliorer le sentiment de sécurité des femmes sur le campus de Bordeaux

Bordeaux: Des efforts pour que les femmes se sentent plus en sécurité sur le campus et en ville

SOCIETELes étudiantes et salariées du campus bordelais vont donner leur avis sur les améliorations à apporter pour aménager un parc universitaire plus sécurisant…
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L’université veut profiter de son grand chantier de réhabilitation, baptisé Opération Campus, pour penser un réaménagement des lieux plus sécurisant, en particulier pour les étudiantes. Avec ces 235 hectares c’est l’un des campus français les plus étendus et sa configuration n’est pas forcément rassurante, il comprend notamment des zones désertes et boisées pas très bien éclairées.

L’idée est de prendre en compte le ressenti des étudiantes et salariées qui fréquentent et parfois vivent sur le campus, à l’heure des études pour la réhabilitation du secteur Pessac Talence Gradignan, dont le chantier commencera fin 2018/début 2019.

Un campus très mal éclairé

« Nous avons eu plein de remontées d’étudiantes nous expliquant que l’esplanade des Antilles, qui est un parking, est un peu glauque, qui ont fait part de problèmes d’exhibitionnisme à la cafétéria du Sirtaki, et qui racontent se faire interpeller régulièrement par des groupes de jeunes hommes, pas toujours étudiants » raconte Marion Paoletti, chargée de mission égalité hommes femmes à l’université de Bordeaux. Cette dernière et d’autres chargés de mission (pour l’université Bordeaux-Montaigne, l’IEP, l’INP et Bordeaux Sciences Agro) se sont regroupés pour porter cette problématique d’insécurité.

« Le campus c’est un lieu auquel on ne pense pas forcément car il est très isolé mais sur lequel il y a beaucoup de harcèlements, confirme Lison Herledan, responsable de l’antenne bordelaise Stop au harcèlement de rue. Les filatures y sont très fréquentes et il y a aussi des agressions sexuelles. Il y a des zones très peu éclairées, sans commerces ni bars et donc très sujettes au harcèlement de rue. » Des comportements qui surviennent aussi largement dans les transports « pour la moitié de ceux qui nous sont signalés » précise-t-elle. Si on a pu penser à une époque que Bordeaux, dont on vante beaucoup la qualité de vie, était une ville épargnée, ce n’est pas le cas. Mais, le harcèlement n’y serait pas non plus plus développé que dans les autres grandes villes.

Les étudiantes étrangères se sentent particulièrement exposées l’été, quand elles vivent dans un campus vidé de la plupart de ses occupants. Elles sont nombreuses à déchanter lorsqu’elles découvrent le campus dont l’image ne cadre pas avec celle qu’elle s’en faisait avant de venir en France. « C’est aussi l’objectif de l’opération de le mettre au niveau international », pointe Marion Paoletti. Des questionnaires vont être adressés à toutes les étudiantes dans les mois à venir pour connaître leurs expériences, leurs attentes, indique l’université.

« J’ai une bombe au poivre dans mon sac »

« Il y a de l’autolimitation, par exemple une baisse de la participation des étudiantes aux activités sportives en hiver est observée sur le campus », souligne la sociologue Dominique Poggi membre fondatrice d’A places égales, l’association qui organise des marches exploratoires, au cours desquelles les femmes indiquent les lieux qu’elles estiment dangereux et proposent des solutions pour mieux les aménager. « Certaines adaptent leurs comportements instinctivement, et ne s’en rendent même plus compte. Elles prévoient des baskets ou un jean dans leur sac pour se changer en cas de besoin ou se font raccompagner », pointe Lison Herledan.

« Moi je ne veux pas modifier mes habitudes, ce n’est pas à moi de changer, témoigne Domitille, Bordelaise de 19 ans, qui dit se faire harceler parfois plusieurs fois par jour, le plus souvent par des insultes et des regards déplacés. Je ne change ni mes habits ni mes itinéraires mais j’ai une bombe au poivre dans mon sac. » L’antenne bordelaise de Stop au harcèlement de rue collecte des fonds en ligne pour éditer un guide pratique qui donne des solutions aux victimes et témoins du harcèlement de rue.

« Les marches exploratoires permettent aux femmes d’apporter leurs regards et de désigner les aménagements anxiogènes, explique Dominique Poggi. On défend un droit à la ville, un droit de circuler pour toutes. » L’idée est d’apporter aux aménageurs une expertise collective d’usage pour rendre les lieux plus sûrs. Au-delà de l’éclairage dont on sait déjà qu’il sera à améliorer sur le campus, il s'agit de créer des lieux de convivialité, animés et mixtes socialement.

Une première réunion à laquelle sont conviées les étudiantes aura lieu le 3 avril au petit salon de la fac de droit de Pessac à 18 h, pour travailler sur les plans du campus, suivront les marches exploratoires et un rapport contenant les propositions sera remis aux aménageurs à la fin de l’année.