SOCIETEDeux scénarios pour un revenu de base en Gironde

Expérimentation d'un revenu de base en Gironde: Deux scénarios tiennent la corde

SOCIETEJean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde, dessine les contours de l’éventuelle expérimentation d’un revenu de base dans le département…
Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde (PS)
Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde (PS) - M.Bosredon/20Minutes
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

Alors que le département de la Gironde veut être le premier département à expérimenter le revenu de base en 2018, son président Jean-Luc Gleyze (PS) dévoile pour 20 Minutes les contours que cette expérimentation pourrait prendre.

Quelle est votre définition du revenu de base ?

Le revenu de base est un objet à multiples facettes. Si on l’imagine poussé au bout de la logique c’est un revenu universel inconditionnel, c’est-à-dire un revenu versé à tous, sans condition. Il y a aussi ceux qui voient le revenu de base comme un versement de solde de tout compte en lieu et place de la protection sociale. Cela, c’est une vision plutôt libérale. Notre vision à nous n’est pas de remettre en cause la protection sociale, particulièrement la santé et la retraite. En revanche, on peut imaginer que le revenu de base puisse prendre la place du RSA par exemple, mais dans d’autres logiques puisque le RSA est conditionné.

Avec la fondation Jean-Jaurès, vous aviez planché sur quatre scénarios en vue de l’expérimentation d’un revenu de base en Gironde, où en est-on ?

Deux scénarios sont ressortis : la fusion de trois minima sociaux – le RSA, la prime d’activité, les APL – donc un scénario plutôt minimaliste, et deuxième scénario un revenu universel d’un côté, un impôt universel de l’autre. Donc là, on verse vraiment un revenu universel, d’un montant qui reste à définir, et en face il y aurait un impôt correspondant à capter là où se trouve la richesse. Nous sommes aussi en train de faire travailler un protocole d’expérimentation : sur quel type de population, sur quel territoire, et avec Matignon nous travaillons la base légale. L’idée serait qu’en avril nous ayons les éléments concrets de l’expérimentation. On pourrait par exemple comparer un groupe qui touche le revenu universel, à un autre qui ne le touche pas, pour observer comment les comportements se modifient.

Pourquoi est-ce le département qui s’est intéressé à cette question ?

Le département a en charge les solidarités humaines, donc nous sommes pleinement légitimes à nous intéresser à cette question. C’est une démarche de curiosité, entamée en mai 2016 donc bien en amont de la campagne présidentielle, sur un sujet qui me semblait insuffisamment approfondi. Le revenu universel questionne la société, son mode de fonctionnement, l’état d’esprit général qui s’est beaucoup construit par l’inclusion par le travail, ce qui est une réalité, mais force est de constater que bon nombre de nos concitoyens n’y ont pas accès et sont laissés de côté. Alors, comment améliore-t-on leur situation, comment les intègre-t-on dans la société, avec aussi une valeur d’utilité sociale, c’est-à-dire en s’engageant dans de l’associatif ou de l’humanitaire ? Tout cela sans parler du numérique, de la robotique, de l’ubérisation de la société, qui vont laisser de côté certaines personnes, essentiellement les moins qualifiées. Peut-être que le revenu universel est une réponse à une meilleure prise en charge de nos concitoyens.

Mais ne croyez-vous pas que ce serait une incitation à ne plus travailler ?

Je ne pense pas que le revenu de base soit contraire à la valeur travail. Mais le monde du travail change. Les parcours ne sont plus linéaires comme par le passé, et la société du plein-emploi n’existe plus. Il y a aussi des choix de vie : on peut se mettre en parenthèses du monde du travail pour garder chez soi une personne âgée ou un enfant handicapé, on peut vouloir passer à temps partiel… Il peut aussi y avoir des jeunes sans diplôme qui cherchent une formation, des salariés qui veulent se reconvertir... On peut encore imaginer des SDF qui ne bénéficient d’aucun revenu mais qui, avec un revenu de base, peuvent envisager un logement, ce qui est une première marche vers l’emploi.

Vous avez lancé sur votre site internet un simulateur de financement du revenu de base. Quel est le but ?

Il a une visée pédagogique : faire comprendre schématiquement ce qu’il se passe si je veux un revenu de base à 1.000 euros par exemple, si je le destine aux 18-25 ans, aux adultes, aux retraités ? Et comment l’on compense cette dépense publique ? En allant capter de l’impôt sur le patrimoine, sur le revenu, sur la CSG ? En luttant contre la fraude fiscale ? En prenant sur les minima sociaux qui sont fondus dans le revenu de base ?

Justement, comment le financerait-on ?

Le département n’est pas acteur seul de la question du financement. S’il faut activer des recettes fiscales, cela signifie qu’il faut des accords qui nous dépassent. D’où l’intérêt de nos contacts avec Matignon, pour faire évoluer le cadre légal et réglementaire et permettre le financement du revenu de base. Ce qui nous importe, ce sont les conditions de faisabilité et les scénarios que l’on peut appliquer au niveau du département.