Sélection à l'entrée en master à l'Université de Bordeaux: «Elle existe déjà avec les examens!»
FORMATION•Un écrémage va être mis en place à partir de la rentrée prochaine à la fin de la licence et les étudiants craignent que beaucoup se retrouvent sur le carreau au bout de trois ans d'étude...Elsa Provenzano
Plusieurs dizaines d’étudiants se sont rassemblées devant le rectorat ce jeudi pour protester contre un vote du conseil d’administration de l’université de Bordeaux entérinant une sélection à l’entrée du master 1. Une mesure qui devrait être appliquée à partir de la rentrée prochaine et qui va laisser, selon eux, beaucoup de jeunes sans options de formations acceptables. On ne connaît pas encore clairement les critères de sélection (examen du dossier, lettre de motivation, CV etc.)
Cette sélection est rendue possible par la loi du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat.
Ils étaient une centaine à participer à la réunion publique qui s’est tenue sur le campus de Pessac le 31 janvier et qui a acté un blocage du conseil d’administration de l’université sur le sujet, ce jeudi. Le lieu du CA a été modifié au dernier moment et la mobilisation n’a pas été à la hauteur des espérances des initiateurs du mouvement, comme l’organisation socioculturelle de Bordeaux IV ( OSBIV).
« La sélection elle existe déjà avec les examens »
« Je suis tout à fait contre ! La sélection elle existe déjà, elle se fait en fin d’année avec les examens, s’insurge Mireille Poirier, maître de conférences en droit privé à l’université de Bordeaux, venue manifester avec les étudiants. C’est les empêcher d’étudier, alors qu’ils ont validé un diplôme. ».
« Avant il y avait une sélection illégale entre le master 1 et le master 2, en droit par exemple. La loi permet une sélection à l’entrée du master 1 mais cela ne veut pas dire que l’on va réduire drastiquement les capacités d’accueil », explique l’Université de Bordeaux. « Cette sélection entre Master 1 et master 2 va continuer et en plus, il y aura des capacités d’accueil restreintes avec cette nouvelle sélection », estime Célia, étudiante en master 2 sciences politiques à l’université de Bordeaux et membre de OSB IV.
L’université précise que « les modalités de mise en œuvre de la sélection sont à l’étude ». Ce qui n’est pas pour rassurer les étudiants. « Sur ces modalités, il y a un flou total, tout peut changer… », s’inquiète Célia. « C’est une mesure qui va forcément vers un élitisme, une volonté de développer des facs d’excellence », estime la maître de conférences Mireille Poirier.
« Rien que dans notre filière administration économique et sociale (AES), on estime que 250 étudiants environ vont se retrouver sur le carreau, lance Célia. On rappelle que les universités n’ont pas l’obligation de mettre en place ce fonctionnement par sélection ».
Le droit à la poursuite d’étude
Le rectorat devra proposer une autre formation dans la même matière à un étudiant qui n’obtient pas sa place en master 1 dans l'académie ou hors académie selon les filières, c’est ce qu’on appelle le droit à la poursuite des études. « On a appris que des étudiants en psychologie pourraient être soit intégrés à une même filière à Limoges ou à Montpelier soit redirigés vers la filière sociologie par manque de places », rapporte Armine, étudiant en master 1 en sciences de l’éducation à la Victoire.
« Ce n’est pas respecter le choix de l’étudiant et cela me semble un peu une mesure gadget », commente Mireille Poirier. Elle s’interroge sur les moyens à la disposition de l’université pour mettre en place ce droit à la poursuite des études, alors même que la sélection va dans le sens d’une économie de moyens. Si le rectorat est tenu de faire des propositions alternatives à l’étudiant débouté à l’entrée du master « on a aucune garantie sur ce droit à la poursuite d’études », pointe Célia.
A partir de la rentrée prochaine, tous les masters de l’université de Bordeaux feront l’objet d’une sélection à l’entrée. Une mesure qui va aussi « permettre de garantir une insertion professionnelle », assure de son côté l’Université.