Bordeaux: La fermeture du pont de pierre aux voitures réjouit les cyclistes mais pas les écolos
ENVIRONNEMENT•Pendant deux mois cet été, la circulation automobile sera interdite sur l'ouvrage et cette mesure pourrait être prolongée définitivement. Les écologistes relativisent les bénéfices en termes de lutte contre la pollution de l'air...L’idée de profiter des travaux nécessaires à la consolidation des piles du pont de pierre pour tester une fermeture de l’ouvrage aux voitures n’est pas neuve, elle avait déjà été envisagée l’hiver dernier mais n’a finalement pas été mise en place. Cette fois-ci, le maire de Bordeaux a confirmé lors de ses voeux à la presse, qu’il ne voulait plus perdre de temps et que la fermeture à la circulation automobile serait expérimentée en août et septembre prochains.
La Ville pourrait éventuellement décider à son issue de l’interdire définitivement aux voitures. Le pont serait alors dédié aux circulations douces (transports en commun, cyclistes et piétons).
Réduire les conflits entre usagers, sur le pont
« Sur ce dossier-là, on soutient totalement Alain Juppé. On demande cette fermeture depuis 2014 », a réagi Alain Guérineau, président de l’association Vélo-Cité. Le maire de Bordeaux évoque 6.000 cyclistes par jour empruntant ce pont dans les deux sens et dans le même temps une baisse du trafic automobile de 30 % entre 2012 et 2015. « C’est donc déjà prioritairement un pont à vélos », a-t-il commenté.
« Cela va permettre de réduire les conflits même si ce n’est pas non plus la guerre, note Alain Guérineau. Mais c’est vrai que les trottoirs sont étroits et qu’il y a de petits accrochages. » Il se félicite que le maire n’ait pas attendu la mise en service du nouveau pont Jean-Jacques Bosc, prévue en 2020, pour prendre cette mesure, précisant que le pont Saint-Jean, sur lequel les automobilistes vont devoir se reporter avec le pont Chaban, est sous-utilisé. Du côté des automobilistes, certains trouvent la mesure trop radicale et craignent des bouchons sur les autres ponts.
Une bonne nouvelle pour la pollution de l’air ?
L’argument consistant à présenter la mesure comme une façon de réduire l’usage de la voiture dans la ville ne convainc par Pierre Hurmic, président du groupe EELV à la mairie de Bordeaux. « Une répartition de la circulation sur les deux autres ponts va-elle réduire la pollution de l’air ? », lance-t-il, rappelant que des raisons techniques et non environnementales sont à l’origine de cette mesure.
Il met en doute la pertinence de cette décision alors que les cartes de l’organisme qui surveille la qualité de l’air sur l’agglomération (Airaq) montrent que les secteurs les plus pollués sont les plus proches des grands axes routiers (rocade, boulevards, etc.) Quelque 40.000 Bordelais vivent dans ces zones particulièrement exposées aux pics de pollution chroniques, relève l'écologiste. Pour lui, il faut agir prioritairement sur le trafic sur l’agglomération et non sur celui de la ville car c'est celui qui engorge la rocade et les principaux axes de circulation.
Au lieu d’une mesure « gadget » comme celle de la fermeture du pont de pierre, il égrène des solutions défendues par les écologistes. « Pour limiter les dégâts sanitaires liés à la pollution de l’air il ne faudrait pas par exemple mettre la rocade à deux fois trois voies, explique-t-il. On avait proposé que cette troisième voie soit dédiée aux transports collectifs et au covoiturage mais on n’a pas été suivi. Or, on sait que plus on construit de routes, plus on suscite de circulation, on appelle ça l’effet tuyau. Il y aura une respiration après la fin des travaux mais dans 4 à 6 ans, la rocade sera de nouveau engorgée. »
Le trafic automobile n’a baissé que de 5 % en 20 ans
Il propose aussi de multiplier les zones limitées à 30 km/h et de développer encore l’usage du vélo, en dehors de la ville, notamment en aménageant une piste sécurisée sur les boulevards. Une demande partagée par l’association vélo-Cité qui demande un « grand plan boulevards ».
Pour preuve de l’échec des politiques menées jusqu’à présent dans ce domaine, il rappelle qu’en 1996, les voitures représentaient 64 % du trafic sur l’agglomération et qu’elles pèsent pour 59 % à l’heure actuelle. « On a dépensé des sommes considérables pour seulement 5 % de baisse alors qu’il y a d’autres solutions à développer », déplore-t-il, évoquant notamment la lutte contre l’étalement urbain, qui permettrait à davantage de familles de se loger sur Bordeaux.