Marennes-Oléron: Un mouchard dans les parcs à huîtres, pour éviter les vols
INNOVATION•Les ostréiculteurs de Charente-Maritime expérimentent un dispositif utilisant un capteur de mouvement pour se prémunir contre les vols de leurs précieux coquillages…Elsa Provenzano
L’huître connectée fonctionne comme un mouchard. Sous sa fausse coquille, aux dimensions semblables à celle d’une huître authentique, une carte avec un capteur de mouvement permet de repérer tout déplacement anormal des coquillages sur les parcs ostréicoles.
Cette huître espionne a été baptisée flex-spy parla société Flex-Sense, basée en Vendée, qui l’a mise au point. « Elle peut être immergée jusqu’à 80 mètres de fond et fonctionner pendant 60 mois », précise Emmanuel Parlier, biologiste marin et président cofondateur de Flex-Sense.
« Cela correspond à un besoin parce que les vols existent »
La société a développé ce dispositif à la demande des ostréiculteurs. « Cela correspond à un besoin parce que les vols existent, confirme Laurent Champeau, directeur du comité régional de la conchyliculture en Poitou-Charentes. Ces dernières semaines, il y a eu 10 tonnes d’huîtres volées sur une même exploitation. » Les parcs, qui s’étendent sur de grandes surfaces à l’air libre, ne sont pas assurables.
Il y a beaucoup de petits larcins dans les parcs et les 1.000 exploitations de Marennes-Oléron, qui sont de très petites entreprises composées souvent d’un couple et d’un salarié à temps partiel, peuvent être très impactées. « Les entreprises ostréicoles ne se volent pas entre elles, tient à préciser Laurent Champeau. Il s’agit d' un nombre très limité de personnes, en marge de la profession, mais qui n’ont pas de vraies entreprises ostréicoles ».
Les ostréiculteurs gèrent le mouchard via leur smartphone
Flex-Sense propose aux professionnels un système de location du dispositif sur cinq ans. L’huître, contenant la carte connectée fabriquée en France, est placée toutes les cinq poches d’huîtres environ, sachant qu’une poche contient plusieurs dizaines de kilos. Plus les entreprises sont grandes et paradoxalement moins elles installent d’huîtres connectées. « Quand elles produisent 50 tonnes par semaine, un vol de 10 tonnes, ce n’est pas grand-chose », observe Emmanuel Parlier.
L’ostréiculteur gère son huître connectée via son téléphone portable. Il est averti quand il y a du mouvement sur ses parcs et soit il est en cours de manutention pour quelques heures et l’indique, soit c’est un mouvement anormal qui déclenche une procédure. Les forces de l’ordre ou une société de gardiennage sont alors alertées. La société Flex-Sense encourage les ostréiculteurs à travailler avec les autorités.
Testée à Marennes Oléron
Commercialisée depuis septembre 2016, l’huître connectée est actuellement testée à Marennes-Oléron. « On est en phase expérimentale et en début d’année prochaine, on voudrait installer le dispositif sur tout le territoire ostréicole », explique le directeur du comité régional de conchyliculture. Des équipements à caractère collectif (antennes à terre permettant de retracer l’itinéraire des voleurs) seront implantés et les ostréiculteurs auront le choix d’acquérir ou non ces huîtres espionnes. « Le dispositif intéresse tout le monde », assure Laurent Champeau.
La société ne peut pas communiquer sur le nombre de ses clients mais assure du succès de son dispositif. A la fin du mois de décembre, elle affirme que son chiffre d’affaires sera de 2,4 à 2,5 millions d’euros. Le comité régional de la conchyliculture Arcachon Aquitaine réfléchit encore mais affirme que l’idée « lui plaît bien », précisant que d’autres entreprises proposent ce genre d’appareils. « On essaiera prochainement », précise-t-il. Un développement à l’échelle internationale de flex-spy est aussi en cours.
Beaucoup d’autres applications possibles
La carte connectée a un bel avenir devant elle, à en croire le président cofondateur de Flex-Sense, puisque de nombreuses autres applications sont envisagées. Elle pourra être utilisée pour lutter contre les vols de matériels (tracteurs agricoles) de matériaux (granulats dans le BTP) ou de carburant. Et à l’image des parcs ostréicoles, la carte connectée peut intéresser les producteurs installés sur de grands espaces en autonomie. Les casiers à homards pourraient être équipés et on saurait, par exemple, si l’un d’entre eux est relevé à une heure indue.
Sur la carte connectée, il y a 270 capteurs, parmi lesquels un capteur de mouvement, ainsi d’autres informations peuvent être transmises (température de l’eau, salinité, turbidité), autant de données qui peuvent être utiles pour mieux comprendre le phénomène de mortalité des huîtres.