Bordeaux: Une ville plate, mais un sous-sol «très compliqué»
GEOLOGIE•Entre le sol et le socle calcaire, les sous-sols de Bordeaux renferment des cavités, des dépôts de sable ou d'argile, et aussi une partie transformée par la main de l'homme, comme des vestiges ou des sarcophages...Mickaël Bosredon
De quoi sont faits les sous-sols de Bordeaux ? « Dans le centre de la ville, nous pouvons avoir plusieurs mètres de sol anthropique, c’est-à-dire qui a été transformé par la main de l’homme », explique Denys Breysse, du laboratoire I2M-Génie civil et environnemental (Université de Bordeaux/CNRS).
« Il faut bien comprendre que depuis l’époque romaine, le niveau du terrain « naturel » n’est plus là où il se trouvait. Le terrain naturel est, pour simplifier, un vaste substratum calcaire, qui résulte de la formation ancienne de roches, à une profondeur variable. »
Un relief souterrain très marqué, correspondant parfois à des « mini-canyons »
Aujourd’hui la topographie de Bordeaux semble très plate, « mais en dessous cela peut être très compliqué, puisque ce substratum, nous ne l’atteignons, selon les endroits, qu’à quelques mètres voire plusieurs dizaines de mètres, en fonction des remplissages géologiques successifs apportés par la Garonne. »
Plusieurs terrasses ont été taillées par le fleuve, en fonction du niveau marin de l’époque, puis les alluvions ont comblé ces terrasses, masquant le relief souterrain qui peut être très marqué, correspondant parfois à des « mini-canyons », y compris dans la direction des affluents du fleuve. « Nous pouvons donc rencontrer des propriétés extrêmement variables, à la fois dans le calcaire sain ou altéré et dans les dépôts plus récents, constitués d’argile ou de sables, en fonction des endroits. »
Des vestiges, des nécropoles…
Et à cela, l’homme a rajouté ses propres dépôts, qui peuvent être des déchets, des restes de fortification, etc. « Par exemple, la place des Quinconces a longtemps été un château, le château Trompette, avec des fortifications qui ont servi à leur destruction à remplir des trous. »
Autre exemple : sous le square de l’église Saint-Seurin, on trouve une très vaste nécropole chrétienne dont on ne visite qu’une petite partie, et les vestiges d’une ancienne église, mis au jour lors de deux campagnes de fouille, dans les années 1910 et 1960. Ici, on a commencé à enterrer ses morts à partir du IVè siècle, et jusqu’au XVIIIè.
Risque d’effondrement brutal des carrières de la rive droite
Dans ce sous-sol, « nous rencontrons divers phénomènes qui peuvent être un frein à certaines réalisations. Par exemple on sait qu’il existe, un peu partout dans Bordeaux, des karsts, qui sont des cavités formées par l’action des eaux souterraines sur la roche. Il est évident qu’ils pourraient poser problème pour des constructions souterraines – par exemple la réalisation de tunnels – même si techniquement rien n’est infaisable. » C'est ce qui explique, en partie, que l'option d'un métro à Bordeaux a été écartée au profit du tramway.
Il existe un autre risque, lié aux carrières de pierre de la rive droite qui ont servi à construire le Bordeaux du 18è siècle. Nous avons perdu la trace de certaines de ces carrières et le risque d’effondrement brutal existe. Il impose une mission de veille par les services techniques et des précautions en cas d’aménagement. »
3.000 km de réseau d’assainissement
Ce sous-sol anthropique, « nous le connaissons à la fois très bien et très mal. Disons que nous avons beaucoup de données (sondages, carottages), essentiellement dans la zone qui a été urbanisée, mais que cela ne représente pas une information complète ni homogène. Cela est aussi vrai pour les réseaux enterrés et leur environnement. »
Ainsi, sur les 3.000 km du réseau d’assainissement, « seuls 300 sont accessibles à l’homme. Les canalisations de petite taille peuvent être visitées par des caméras, mais nous en connaissons mal l’environnement proche. Résultat : nous n’avons qu’une connaissance incomplète de ce réseau, dont la maintenance est pourtant un enjeu économique fort pour ces prochaines années. »