Bordeaux : Les Bulgares jugés pour avoir prostitué leurs enfants écopent de 2 à 6 ans de prison
JUSTICE•5 à 8 ans ferme avaient été requis par l'avocat général pour des faits de proxénétisme reprochés aux onze accusés...E.P. avec AFP
Vendredi dans la soirée, des peines allant de 24 mois de prison, dont 20 avec sursis, à six ans ferme ont été prononcées plus ou moins organisé.
Cinq à huit ans de prison ferme avaient été requis jeudi contre onze accusés (cinq couples et une veuve) pour proxénétisme aggravé sur une dizaine de mineurs, dans un procès de deux semaines, dernière étape d’un dossier qui a déjà vu une vingtaine de « clients » de ces jeunes garçons condamnés depuis 2011. A de la prison ferme pour quatre d’entre eux, à du sursis pour 17 autres.
Le réseau commençait à prendre de l’ampleur
Les accusés avaient été interpellés en 2010 dans des squats et logements de Bordeaux lors d’un vaste coup de filet de la Police judiciaire et de l’Office central de répression de la traite des êtres humains (OCRTEH). Plusieurs milliers d’euros, ou la trace de milliers d’euros envoyés à l’étranger, avaient été retrouvés chez ces familles, sans ressources déclarées.
L’opération survenait alors que le réseau de prostitution, par lequel une vingtaine de garçons de 12 à 16 ans monnayaient leur corps, prenait une ampleur inquiétante, avec nombre de clients pédophiles venant de l’extérieur de Bordeaux, voire de l’étranger, rameutés par des amis.
Un dossier complexe sur fond de misère
Confrontée à un dossier complexe, sur fond de misère mais aussi d’un degré d’autonomie certaine des adolescents, la Cour d’assises a entendu qu' « en aucun cas les parents ne pouvaient se voir reprocher d’avoir forcé leurs enfants à se prostituer, de les avoir mis sur le trottoir », a rappelé Me Julien Plouton, qui défendait l’un des pères bulgares.
Mais elle a aussi entendu qu’à des degrés très divers (d’où un verdict très personnalisé) « ils ont bénéficié directement ou indirectement de la prostitution de leurs enfants », a affirmé Me Marie-Laure Bost, avocate de l’association Agir contre la prostitution des enfants, partie civile.
Les magistrats et les jurés, dans ce procès délicat, ont tenté de cerner un éventuel degré de « maîtrise » qu’avaient les adolescents des relations tarifées auxquelles ils s’initiaient entre eux. Mais, s’il y avait réellement réseau, « il était organisé par les mineurs et il n’y avait ni organisation pyramidale, ni tête », a plaidé la défense.
Les jurés se sont aussi vu décrire, dans un rapport d’expertise ethno-psychologique controversé, la précoce émancipation sexuelle d’adolescents dans un univers Rom. Un point d’une part discutable, et qui ne change rien aux « risques encourus par ces jeunes, car dans le lot des clients, il y avait des prédateurs sexuels de premier ordre », ont rappelé les parties civiles.
Trois des parents ont été acquittés, deux condamnés à six ans de prison ferme, quatre autres à cinq ans de prison assortis de sursis partiel (un à deux ans), et deux autres ont été condamnés à 24 mois dont 20 avec sursis. Six des condamnés, qui avaient tous fait de la détention préventive, ont fait l’objet d’un mandat de dépôt.
Bousculades dans la salle pour le verdict
A l’énoncé du verdict, sous haute sécurité avec quelque 60 membres de la communauté Rom dans la salle, encadrés par une vingtaine de policiers, des scènes d’hystérie, entre cris, larmes, invectives et bousculades ont éclaté dans la salle d’audience, évacuée sans trop de difficulté par les forces de l’ordre.
Parmi ces scènes, marque d’un procès résolument hors normes, la rage et la colère d’une « victime », un des adolescents aujourd’hui jeune adulte, parce que son père, un des « condamnés » pour proxénétisme sur mineur, était renvoyé en prison…