EQUIPEMENTSGironde: La guerre des cinémas est déclarée

Gironde: La guerre des cinémas est déclarée

EQUIPEMENTSLes cinémas de proximité s'organisent pour contrer les projets de multiplexes, dans un département déjà bien fourni en nombre de salles...
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

C’est l’histoire sans fin du petit cinéma de proximité qui se bat contre le grand multiplexe. Le film d’auteur contre le blockbuster. Mais cette fois, la scène se joue sur très grand écran. Le cinéma du coin n’est plus tout seul mais s’est structuré en réseau et, avec l’appui d’élus, attaque tout ce qui bouge.

Plus une demande de création ou d’agrandissement de multiplexe en Gironde n’échappe désormais aux recours de l’ACPG, Association des cinémas de proximité en Gironde.

« Nous établissons une veille sur tous les projets, confirme Cathy Gery, présidente de l’association, car nous estimons qu’on est en train de tomber dans la surenchère du nombre de fauteuils dans le département. »

Avec 54 salles, la Gironde est déjà le sixième département de France (hors Paris) à détenir le plus de salles de cinéma, selon le dernier rapport du CNC (centre national du cinéma). Au niveau de la région Nouvelle-Aquitaine, on compte 230 cinémas pour 661 écrans. Et c’est la région qui a connu la plus forte augmentation du nombre d’écrans (+ 22) en 2015, avec l’ouverture de trois multiplexes.

« Là, on se fait laminer »

Coincée entre le projet d’extension du Mégarama du Pian, qui veut passer de six à dix salles, et celui d’UGC à Bordeaux, qui veut créer 13 salles pour 2.394 places, la ville de Blanquefort (15.000 habitants) est particulièrement concernée.

« La multiplication des multiplexes porte un coup dur à la politique culturelle des municipalités, se désole Véronique Ferreira, maire (PS) de la ville. Notre cinéma Les Colonnes a déjà perdu 30 % de sa fréquentation avec l’ouverture du Mégarama du Pian en 2012. L’UGC aux Bassins à Flot lui ferait perdre 10 % supplémentaires. Cela veut dire encore plus de subventions à débloquer pour assurer sa survie. Je ne suis pas contre les multiplexes, mais nous sommes déjà très fournis dans le département : là, on se fait laminer. »

C'est dans ce secteur des Bassins à Flot qu'UGC compte ouvrir un multiplexe de treize salles
C'est dans ce secteur des Bassins à Flot qu'UGC compte ouvrir un multiplexe de treize salles - M.Bosredon/20Minutes

Les porteurs de ces projets misent, eux, sur l’augmentation de la population (+ 1,2 % par an en moyenne en Gironde). Quelque 20.000 habitants sont attendus aux Bassins à Flot, et la démographie ne cesse de grimper aux portes du Médoc.

Le projet de cinq salles à Langon retoqué

Autorisé par la Commission national d’aménagement commercial (Cnac), le projet d’UGC devra attendre le jugement de la Cour d’appel après le recours déposé par les communes de Blanquefort et Eysines, mais aussi de deux cinémas, L'Utopia et le Mégarama de Bordeaux rive droite. Blanquefort a également déposé un recours contre l’extension du Mégarama du Pian avec les villes de Pauillac, Eysines, Saint-Médard-en-Jalles et Lesparre-Médoc.

Des recours qui, parfois, aboutissent. La Cnac vient ainsi de retoquer un projet de cinq salles et 1.074 places à Langon. Un projet qui mettrait en danger, selon la commission, les cinémas de proximité de Cadillac, Bazas et Langon. En 2015, un projet de cinéma quatre salles (637 fauteuils) avait été autorisé à Andernos. Mais celui, tout proche, d’Arès (cinq salles, 987 fauteuils) avait été refusé.

« On a un public de fidèles, mais un autre plus volatile »

« La question essentielle, c’est celle de la concentration des copies, analyse Cathy Gery, par ailleurs exploitante du cinéma de La Réole. Le gros cinéma obtient les copies des films avant les petits, or, ces derniers ont aussi besoin de programmer quelques grandes sorties pour subsister, car on a un public de fidèles, mais un autre plus volatile. On ne peut pas faire que de l’art et essai. »

La présidente de l’ACPG reconnaît toutefois que les cinémas de proximité vont « devoir présenter des modèles plus attractifs. » « Il subsiste encore quelques salles vieillissantes qui vont devoir se moderniser, et je pense que le modèle du mono-écran en centre-ville a vécu. Il va falloir passer à deux voire trois écrans. » Les cinémas de proximité n’ont pas dit leur dernier mot.