Bordeaux: Entomo Farm veut industrialiser l'élevage d'insectes en France
INNOVATION•Jeune société basée à Blanquefort près de Bordeaux, Entomo Farm veut démocratiser l'élevage d'insectes pour la nourriture animale, avant de passer éventuellement à la nourriture humaine pour résoudre les problèmes de famine...Mickaël Bosredon
C’est en regardant un documentaire sur la famine en Haïti, que Grégory Louis a décidé de se lancer dans l’élevage d’insectes alimentaires. « A l’époque je travaillais comme gestionnaire de patrimoine, et je voulais donner plus de sens à ma vie. Je désirais aussi faire un métier davantage lié à mes passions. »
Fils d’une technicienne de laboratoire à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), Grégory Louis a arpenté les couloirs de l’institution dès l’âge de 8 ans, et en a développé une passion pour les insectes, qu’il a commencé à élever dès le plus jeune âge.
La seule entreprise française à être passée à l’échelle industrielle
Il y a un peu moins de deux ans, il a donc lancé son entreprise, Entomo Farm, à Blanquefort, près de Bordeaux. Elle ne va pas encore résoudre les problèmes de faim dans le monde, mais apporte déjà des réponses concernant le remplacement de l’alimentation des filières piscicoles par des insectes plutôt que par des farines animales. « Avant toute chose, il fallait réussir à produire des insectes en grande quantité. Pour industrialiser la chose, il y avait des process sanitaires. Et passer à des volumes en termes de tonnages était très complexe. »
S’il existe ainsi des productions artisanales d’insectes en France, Entomo Farm est la seule à être passée à l’échelle industrielle. « Il y a différents paramètres à maîtriser. En occident, on a un climat tempéré, il faut s’émanciper de la saisonnalité de l’insecte, pour cela il faut pouvoir atteindre des températures assez hautes pour créer des cheptels importants. Nous sommes de surcroît sur des zones excessivement traitées, avec des pesticides, or l’insecte est un bioaccumulateur, c’est-à-dire qu’il stocke tout ce qu’il ingère en toxines. Donc il y a un risque de ne plus manger un insecte, mais une micro-gélule de pesticide… »
La cible première est le marché piscicole
Le laboratoire d’Entomo Farm, d’une surface de 56 m2, est capable à ce jour de produire 14 tonnes d’insectes par an. L’objectif de la start-up n’est cela dit pas de fournir de la matière première à ses filières, mais de vendre un outil de fabrication, sous la forme d’un container, avec lequel l’éleveur maîtrisera sa production. « Notre premier métier, c’est de démocratiser la production d’insectes, en vendant le process de fabrication, et l’outil qui va avec. » « Les sociétés pourront ainsi obtenir un approvisionnement durable, parce que ce sont elles qui vont maîtriser la quantité dont elles ont besoin. »
La cible première d’Entomo Farm aujourd’hui est le marché piscicole. « Nos clients se situent à l’international, d’abord parce qu’il y a des contraintes réglementaires en France qui ne sont pas encore levées ; il est en effet interdit de donner des farines d’insectes à l’industrie piscicole. Nous sommes donc tournés principalement vers l’Afrique de l’Ouest et l’Asie, qui sont de toute façon deux marchés incontournables. »
1,2 million d’euros de levée de fonds
Après avoir frappé à la porte de plusieurs incubateurs, Entomo Farm a trouvé une écoute auprès de Bordeaux Technowest. Des financiers comme Xavier Niel se sont aussi associés au projet. « C’est ce qui nous a permis de prendre une avance technologique comparé à d’autres acteurs du secteurs, et de se positionner en tant que leader de l’équipement pour l’entomoculture. » L’entreprise vient récemment de réussir une levée de fonds d’1,2 million d’euros.
Elle emploie aujourd’hui quatre employés. « Nous prévoyons de doubler notre effectif cette année. Et être situé à Bordeaux est une vraie opportunité, car c’est une ville tournée vers l’international, elle est porteuse pour une start-up. »
A terme, Entomo Farm ne perd pas de vue son ambition de répondre à des problèmes de famines. « On a envie de travailler sur cette problématique, mais ce sont des choses qui se font par échelles. Il y a des développements à venir sur la filière avicole, sur la nourriture humaine. Mais il était important de maîtriser d’abord la manière de produire. »