Angoulême: Trois mois avec sursis requis contre de jeunes rappeurs poursuivis pour «apologie de crime»
JUSTICE•Ces deux Charentais s'en étaient pris à la police et à Marine Le Pen dans certaines de leurs chansons...M.B. avec AFP
Des appels au crime ou une simple bêtise? Trois mois de prison avec sursis ont été requis à l'encontre de deux rappeurs amateurs charentais, jugés mercredi par le tribunal correctionnel d'Angoulême pour «provocation, injure publique et apologie de crime» à l'encontre de la police et de Marine Le Pen.
Les deux hommes, âgés de 25 et 19 ans, avaient publié sur internet début 2015, sous le nom de Poposte et Rémy, deux vidéos prenant pour cible la présidente du Front national ainsi que des policiers.
Les rappeurs avaient retiré leurs clips de YouTube
Parmi les paroles incriminées, une chanson où il était demandé à voir la tête de Marine Le Pen «découpée et rangée dans un sac», et un autre texte dans lequel il était dit : «toujours le sourire quand un flic crève», «j'aime quand un flic va à l'enterrement d'un de ses collègues.»
Vivement critiqués, les deux chanteurs avaient retiré leurs clips de la plateforme YouTube. Le procureur de la République à Angoulême avait toutefois diligenté une enquête.
«Des propos haineux»
A l'audience mercredi, les deux hommes ont exprimé leurs regrets. «A force de trop écouter un type de rap, on répète les mêmes choses sans vraiment penser ce que l'on dit», a déclaré l'un d'eux. «Cela ne reflète pas ce que l'on pense», a affirmé le second.
Me David Dassa-Le Deist, avocat de Marine Le Pen, partie civile, a fustigé des «propos haineux, un appel au meurtre qui porte en germe les prémices d'un possible passage à l'acte.» Me Lionel Béthune de Moro, qui représentait les forces de l'ordre, également partie civile, a quant à lui mis en garde le tribunal contre la tentation d'une relaxe: «Ce serait leur accorder un blanc-seing pour pouvoir recommencer.»
«Pas le droit d'appeler au crime sous couvert de la liberté d'expression»
Pour le ministère public, Marion Vauquelin a souligné que les propos tenus dans les deux chansons étaient «sans humour, sans aucun second degré» et rappelé qu'en France, «on n'a pas le droit d'appeler au crime sous couvert de la liberté d'expression.» Elle a requis trois mois de prison avec sursis assorti d'un stage de citoyenneté.
L'avocate des deux prévenus, Me Adeline Lacoste, a insisté sur l'absence d'éléments intentionnels: «Ces deux-là n'ont pas voulu inciter à tuer des gens. Le rap est un genre de musique populaire qui s'appuie sur le rejet et le ressentiment. Leur groupe de rap est confidentiel. C'est une bêtise», a-t-elle plaidé.
Le jugement est attendu le 2 mars.