INTERVIEWDépartementales: Le point sur la situation en Gironde à un mois du scrutin

Départementales: Le point sur la situation en Gironde à un mois du scrutin

INTERVIEWJean Petaux, politologue à Sciences-Po Bordeaux, livre à 20 Minutes son analyse sur les enjeux des élections départementales, qui auront lieu les 22 et 29 mars...
Elsa Provenzano

Propos recueillis par Elsa Provenzano

Jean Petaux, politologue à Sciences-Po Bordeaux, nous éclaire sur la situation en Gironde à un mois des élections départementales, organisées les 22 et 29 mars.

Selon vous, quels effets la réforme territoriale (redécoupage des cantons et changement de mode de scrutin) va-t-elle avoir sur la mobilisation de l’électorat?

C’est une appréciation personnelle, mais je pense que la réforme territoriale va accentuer l’abstention car le mode de scrutin est nouveau, et il faut du temps pour qu’une réforme se mette en place. A la campagne, les cantons étaient inchangés depuis 1789. Là, l’électeur rural ne va pas vraiment savoir dans quel périmètre il vote. Et on sait qu’un espace peu connu, mal identifié, cela génère de l’abstention.

Il y aussi une complexité réelle, puisque vous votez pour deux personnes mais en une fois, et il y a les suppléants. La réduction des cantons (qui passent de 66 à 33) se traduit par une hausse des conseillers (66 au lieu de 63). Cela ne permet pas vraiment une compréhension claire et distincte.

Ce sont des raisons structurelles, mais il y aussi une raison conjoncturelle, celle d’une désaffection pour les politiques. Certains sondages prévoient jusqu’à 60 % d’abstention pour cette élection.

Est-il possible, selon vous, que la gauche perde la majorité? Rappelons que le département est à gauche depuis 1976 (excepté entre 1985 et 1988).

Sur 66 conseillers départementaux, on pourrait se dire que la majorité est à 34 pour décrocher la présidence mais cela ne fonctionne pas ainsi. Pour un même canton, c’est 2 élus ou rien donc la majorité intervient à partir de 17 conseillers.

Aujourd’hui, la droite a 13 cantons sur 63 et on compte 50 cantons à gauche (47 pour le PS et 3 pour le PC). La droite a déjà 13 sortants et malgré le redécoupage, le vent est plus favorable aux candidats de droite. Avec 26 conseillers, il ne lui en manque alors plus que 8 pour être majoritaire. Et, il n’y a pas de raison qu’elle soit particulièrement en danger en fonction du contexte. La majorité de Philippe Madrelle, (le président PS sortant qui a annoncé son départ à la retraite) est donc plus fragile que ce qu’on peut croire

Mais, ce serait une surprise que le PS perde en Gironde, j’évalue ses chances à 6 sur 10.

Quels cantons estimez-vous utile de suivre de près, notamment dans l’optique de la présidence du département, sachant que Philippe Madrelle quitte son fauteuil de président?

Si certaines personnalités politiques perdent dans leurs cantons, elles ne pourront pas prétendre à la présidence du conseil départemental.

Je pense par exemple, dans le canton La Réolais et les Bastides, à Yves d’Amécourt, conseiller général sortant à Sauveterre-de-Guyenne (et chef de file de Gironde Positive qui réunit l’UMP, le Modem et Divers droite) et qui se voit bien président du département. Ce canton est tellement vaste, avec 96 communes, et nouveau qu’il est difficile d’esquisser une estimation.

Dans le canton du Sud-Gironde, Jean-Luc Gleyze est en compétition avec Christine Bost pour la présidence socialiste du département. S’il perd, cela redonne toutes ses chances à la maire d’Eysines, en bonne posture dans son canton.

Comment est positionné le Front National, selon vous ?

Il y a des cantons où le Front National peut cartonner. Il peut décider de faire ou de ne pas faire alliance avec l’UMP (ce qui nous ramènerait à la situation de 1998 où le FN avait exercé des pressions lors des régionales). Dans les cantons du Médoc et dans le Libournais, où la cousine de Ségolène Royal se présente de nouveau, le FN peut faire des scores surprenants.

On sait que l’abstention profite au FN. En Gironde, il peut emporter un ou deux cantons et obtenir jusqu’à 4 conseillers. Avec une majorité à 34 conseillers, cela devient un groupe qui peut peser.

En conclusion ?

C’est un jeu extrêmement ouvert. Je pense que la situation est propice à un vote protestataire et de rupture. Il y a une grande lassitude vis-à-vis du personnel politique traditionnel et l’envie de faire table rase.