A Bordeaux, querelle sur un amphi portant le nom d'un ancien Pétainiste
HISTOIRE•Une association étudiante réclame que l'amphithéâtre Roger Bonnard soit débaptisé, en raison du passé pétainiste de cet ancien Doyen de la Faculté de Droit...20minutes avec AFP
«C'est un vieux dossier qui traîne depuis des années», soupire Loïc Grard, directeur du collège droit, science politique, économie et gestion, ex-Université Bordeaux IV.
Doyen de la Faculté de droit de Bordeaux sous Vichy, juriste éminent, Roger Bonnard affichait son soutien au maréchal Pétain, ce qui alimente aujourd'hui un débat sur l'opportunité de débaptiser un amphithéâtre portant son nom.
A la fin des années 90, au moment du procès de l'ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde sous Vichy, Maurice Papon, «on s'est mis à chercher des « collabos » à Bordeaux», rappelle Loïc Grard. «Tout le monde s'est focalisé sur Bonnard» et le fait qu'un amphi de 300 places porte son nom a suscité l'indignation. L'affaire s'était ensuite tassée avant qu'une association étudiante, l'organisation socio-culturelle Bordeaux IV (OSB), classée à gauche, ne ravive les braises.
«Maréchaliste, pas collabo ni antisémite»
Qui était Roger Bonnard (1878-1944)? «Homme de droite, conservateur, catholique», il a été, «comme beaucoup d'autres», profondément marqué par le «traumatisme collectif» de la Débâcle de 1940 et a considéré que «la Providence» avait envoyé Philippe Pétain, résume l’avocat Bernard Noyer, auteur d’une thèse sur Bonnard. Roger Bonnard était «maréchaliste, pas collabo, ni antisémite».
«Vision édulcorée», tempère Yann Delbrel, professeur d'histoire du droit à Bordeaux, qui a dirigé, en 2013, la rédaction d'un rapport sur le décanat de Roger Bonnard. Le texte aurait dû être examiné fin 2013, lors du dernier conseil d'administration de Bordeaux IV, annulé en raison d'un conflit social. Depuis, les partisans de la débaptisation réclament que cette question soit évoquée en conseil de collège.
Un dossier qui suscite «l’indifférence» des étudiants
Le rapport pointe un «adversaire de la démocratie parlementaire, ardent pétainiste, pourfendeur militant de l'esprit des Lumières», mais ne relève rien sur l'antisémitisme. Yann Delbrel évoque cependant «un document, signé de la main de Bonnard: la liste des étudiants juifs inscrits en droit en 41/42 à Bordeaux. On ignore l'usage qui en a été fait.»
Le cas Bonnard suscite «l'indifférence» de la plupart des étudiants et des collègues, minimise Loïc Grard, qui veut mettre cette question à l'ordre du jour d'un prochain conseil de collège. «Mais je veux un autre rapport avec des auteurs indépendants. Là, je ferai voter.»
La décision finale reviendra au conseil d'administration de la Nouvelle Université de Bordeaux.