EXCLUSIFVincent Feltesse: «Ce sondage a été fait au pire des moments»

Vincent Feltesse: «Ce sondage a été fait au pire des moments»

EXCLUSIFLe président de la Communauté urbaine de Bordeaux revient pour 20Minutes sur les futures municipales, et les dossiers de la mosquée à la Bastide, du tramway et de la rocade...
Propos recueillis par David Blanchard, Mickaël Bosredon et Elsa Provenzano

Propos recueillis par David Blanchard, Mickaël Bosredon et Elsa Provenzano

Un sondage réalisé par l'IFOP pour Sud Ouest, France bleu Gironde et TV7 montre que dans l'hypothèse d'une gauche unie, Alain Juppé vous distance largement en recueillant 55 % des suffrages, votre score serait alors de 38%. Que vous inspire ce sondage ?

Cela m’inspire que vous avez un Alain Juppé candidat depuis le mois de décembre et qui est très présent sur le terrain, avec un mélange des rôles maire- candidat, et que ce sondage a été fait au pire des moments, c’est-à-dire trois jours après l’affaire Cahuzac, et un non-candidat, moi. Malgré cela il n’y a pas d’effet campagne pour Juppé, plutôt une érosion. Maintenant, l’écart reste important.

Vous avez créé la polémique en annonçant que vous verseriez 50.000 euros, sur votre réserve parlementaire, au financement de la construction de la grande mosquée à Bordeaux. Pourquoi cette décision?

L’entretien du patrimoine des églises se fait sur le budget communal, et, de fait, les collectivités locales financent les églises. Depuis quelques décennies, nous avons une nouvelle religion en France avec la religion musulmane. Elle pèse entre 4 et 6 millions de français musulmans. Que fait-on, on les ignore? Par ailleurs, il y a quelque 1500 imams en France, mais pratiquement aucun d’entre eux n’est formé sur notre territoire. Quand vous allez dans certaines mosquées, les prêches ne sont qu’en Arabe, et vous ne pouvez pas discuter avec eux car ils ne parlent pas Français. Mais un certain nombre d’imams essaient de voir comment articuler au mieux la pratique de la religion avec les principes fondamentaux de la République française. Par mi eux il y a Tareq Oubrou à Bordeaux. Il a cette volonté d’inventer un islam à la française, et le projet de grande mosquée que les musulmans de Gironde ont sur Bordeaux incarne cela. Architecturalement, elle sera dans le respect de ce qui se fait sur Bordeaux, il y aura un centre culturel, la salle de prière pourra être un lieu de mixité. Je pense donc que cela vaut le coup d’aider ces démarches-là, et d’ouvrir ce débat. Quand j’ai dû arbitrer de la réserve parlementaire, j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de financer la partie culturelle de cette mosquée, ce que feront la plupart des collectivités, d’ailleurs.

Vous avez été un des premiers à mettre en ligne vos revenus, puis votre patrimoine, au début de la semaine. Il fallait agir vite après la crise Cahuzac?

Quand j’ai été élu maire de Blanquefort en 2001, j’ai de suite publié dans le journal municipal mes indemnités et celle de mes adjoints. Ce n’est pas une démarche nouvelle pour moi. C’est quelque chose d’assez fréquent en Grande-Bretagne, en Scandinavie, en Allemagne... Il faut être transparent là-dessus. Après, l’autre question, c’est: est ce que je gagne trop d’argent? Là-dessus je suis très à l’aise. Si on ne paye pas un député, il est soumis à un tas d’influences. Après, chacun a son rapport particulier à l’argent. Moi, je ne gagne rien à côté. Je n’ai pas de vacations, pas de jetons de présence, je ne suis pas rentier…

L’éclatement de l’affaire Cahuzac vous a-t-il surpris?

Ce qui m’a surpris, c’est le mensonge à répétition. Nous l’avons tous entendu à l’Assemblée, nous lui en avions tous parlé dans les couloirs...

Souhaitez-vous que les députés n’aient plus aucune autre activité en dehors de leur mandat?

Cela dépend du type d’activités et du niveau de revenus que cela génère. Que vous donniez quelques cours à Sciences Po en étant député cela ne me choque pas. Ce qui me choque, c’est lorsque vous êtes rémunéré sur quelque chose qui peut avoir un impact sur votre décision comme législateur.

Tout le monde vous annonce comme le futur candidat de la gauche à la mairie de Bordeaux. Quand allez-vous vous déclarer officiellement?

J’ai dit plusieurs fois qu’il fallait qu’un certain nombre de conditions soient réunies pour que je déclare ma candidature. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui.

Pensez-vous que ce sera compliqué d’être un candidat de gauche l’année prochaine, si le contexte reste similaire au contexte actuel?

Dans une élection municipale, il y a surtout beaucoup de contexte local, et un peu de national. Après, c’est sûr que le vent ne sera pas forcément très porteur. Mais je n’ai jamais cru non plus, au soir du 17 juin 2012, que la gauche allait faire 50% aux municipales en 2014. De surcroît, ce ne sera pas simple de se présenter contre Alain Juppé. Maintenant, cette élection, c’est dans onze mois, on verra bien.

Le dossier de la mise à deux fois trois voies de la rocade bordelaise fait beaucoup parler depuis plusieurs mois. Avez-vous avancé sur des solutions de financement?

Sur ce dossier on a perdu au moins dix ans, avec des revirements permanents sur le grand contournement. Et quand vous regardez les aménagements qui ont été faits, ce n’était pas à la hauteur des enjeux. Le dossier ressort, aujourd’hui, au pire des moments, car il n’y a plus de crédits publics, or il faut 250 millions d’euros pour finir cette mise à deux fois trois voies. Mais ce dossier va avancer fortement dans les mois qui viennent. Il y a deux possibilités. Ou on arrive à trouver un accord entre l’Etat et la Communauté urbaine de Bordeaux, en mettant chacun sur la table plusieurs dizaines de millions d’euros. L’autre solution, c’est d’augmenter la durée de concession aux sociétés autoroutières qui, en échange, sont prêtes à mettre quelques centaines de millions d’euros, voire quelques milliards, sur la table, pour différents projets au niveau national. Le calendrier que je me suis fixé c’est une décision avant l’été. Et si ça peut ne pas coûter d’argent à la CUB, je privilégierai cette solution.

Sur l’autopartage, Alain Juppé a annoncé l’arrivée du service de voitures en libre-service de Bolloré, Autolib’, à Bordeaux pour la fin de l’année. Avant finalement que Vincent Bolloré se rapproche de vous pour un déploiement du système sur la CUB. Avez-vous été surpris que le maire de Bordeaux fasse cette annonce seul dans un premier temps?

Cela m’a surpris car c’est bien une compétence de la communauté urbaine de Bordeaux. C’est vrai que le paysage administratif en France est difficile. Je peux concevoir que Vincent Bolloré ne connaisse pas toutes les subtilités de notre secteur, en revanche Alain Juppé les connaît bien... Il y a eu une volonté de sa part d’avancer un peu plus vite, mais elle a été rattrapée par une réalité objective. Vincent Bolloré est venu me voir, et maintenant nos services travaillent ensemble.

Combien y’aura-t-il de stations ?

Nous étions partis sur 70-80, ce sera plutôt 90-100. Et il y aura quelques stations alimentées par des panneaux solaires pour la recharge des batteries. Mais ce qui m’importe le plus, c’est leur articulation avec le réseau de transports.

Alain Juppé a également annoncé que le tramway serait prolongé jusqu’à l’aéroport. Etait-ce prématuré?

Nous sommes dans une période où on ne peut plus se payer de mots. Alain Juppé peut dire ce qu’il veut, qu’il soit crédible c’est un autre sujet. En 2006, il avait dit exactement la même chose. En 2013, je n’ai toujours pas vu le tramway à l’aéroport. Et je n’ai pas vu Alain Juppé dans les réunions d’arbitrage sur la troisième phase du tramway, se battre pour qu’il soit prolongé jusqu’à l’aéroport. J’ai une conception différente des choses. Nous sommes en train de travailler sur ce qu’il pourrait y avoir après la troisième phase du tramway, il y a bien sûr un sujet aéroport-gare, mais il ne peut pas être isolé.

Quels sont les premiers bilans depuis la mise en circulation du pont Chaban-Delmas ?

Pour l’instant ce n’est pas la catastrophe que l’on nous avait annoncé. Selon les derniers chiffres, nous enregistrons 16500 véhicules par jour, dans les deux sens, sur le pont Chaban-Delmas, et la baisse de circulation sur le pont de Pierre est de 11% sur la journée, et de 15% aux heures de pointe, par rapport à des journées comparables de l’année dernière. Sur le pont Saint-Jean, il y a une baisse de 2% pour le sens sortant, et une hausse de 4% pour le sens entrant. Concernant l’impact sur la rocade, selon la Dira (Direction des routes d’Aquitaine), on constate une amélioration sur tous les axes menant au pont d’Aquitaine.

Sur le logement, la période est critique sur le marché du neuf. Est-ce que cela ne va pas compromettre les ambitions de la CUB en matière de production de logements?

Sur la production de logements, on sait que nous avons eu une année 2012 pas bonne, mais la Fédération des promoteurs immobiliers considère qu’il y a une dynamique incroyable sur l’agglomération, et que ça va repartir. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la flambée des prix. En cinq ans nous sommes passés de la dix-septième à la troisième place au classement des grandes villes les plus chères de France (Bordeaux est cinquième selon les derniers chiffres de la chambre des notaires, NDLR). C’est hallucinant. Il y a une flambée des prix incroyable sur l’agglomération bordelaise. Chacun doit prendre ses responsabilités, y compris ceux qui sont contre l’Etablissement public foncier, qui est quand même un outil de régulation du prix du foncier.