Retour vers le futur… On a testé l’Audi Ur-Quattro 20V de 1991
Auto•C’est toujours un moment d’émotion quand on prend pour la première fois le volant d’une voiture qui a marqué l’histoire de l’automobile, et du sport automobileStéphane Lémeret
Celle qui a commencé sa carrière en s’appelant « Quattro » est apparue pour la première fois au Salon de Genève, en 1980. Aujourd’hui, on l’appelle « Ur-Quattro » pour différencier ce coupé 2+2 de la technologie quattro qui fait encore les beaux jours d’Audi dans le monde moderne. Dans la langue de Goethe, « Ur » est un préfixe qui signifie « originel ».
Avant de nous attarder sur notre exemplaire de 1991, rappelons brièvement les exploits en sport automobile qui ont découlé de la Ur-Quattro. Elle a donné naissance à l’une des légendes du rallye : la Sport Quattro S1 de 476 chevaux et son adaptation de près de 600 chevaux pour la course de côte de Pikes Peak, là où Walter Röhrl a brillé en 1987 en devenant le premier pilote à descendre sous la barre des 11 minutes. Inutile de vous rappeler que bien avant ça, en 1982 (championne constructeurs), 1983 (championne pilotes) et 1984 (championne constructeurs et pilotes), la Quattro avait déjà brillé en rallye mondial, aux mains d’Hannu Mikola ou encore de Stig Blomqvist.
En plus d’être brillante en rallye, la transmission intégrale quattro fera également ses preuves sur circuit, d’abord aux Etats-Unis, puis en DTM, sans oublier les 24 Heures du Mans. Mais ne nous éloignons pas trop du sujet. Revenons à l’exemplaire que le département Audi Tradition a laissé entre nos mains…
Onze ans d’évolutions
Entre l’Audi Ur-Quattro de 1980 et celle de 1991, les évolutions ont été nombreuses. Il faut dire qu’une carrière de onze ans pour un modèle, c’est long. Lorsqu’elle a été présentée au public, la Quattro cachait sous son capot un bloc 5 cylindres turbo de 2.144cc, développant 200 chevaux. Vitesse maximale : 222 km/h. 0 à 100 km/h en 7,1 secondes, soit un temps à moins d’une seconde des plus puissantes Ferrari 308 GTB et Porsche 928 de l’époque…
Dès sa sortie, et malgré un poids de 1.300 kg, ce coupé Audi annonçait donc la couleur grâce à sa transmission intégrale. Il s’agissait d’une révolution dans le secteur des sportives. Audi avoue même qu’initialement, une très faible production était prévue. Mais la demande importante a poussé le constructeur à faire de la Quattro un modèle vendu à 11.452 exemplaires jusqu’en 1991. Il faut dire que les succès en rallye, grâce à l’avantage du quattro sur des revêtements avec peu d’adhérence, ont été un très bel outil marketing durant les années 1980.
En 1984, dans l’habitacle, on découvrait un tableau de bord numérique en lieu et place des aiguilles et compteurs classiques. L’ABS, disponible en option durant les premières années de production, arrivait de série en 1985. Puis, en 1986, le différentiel central à blocage manuel a été remplacé par la toute première génération du différentiel Torsen, capable de distribuer le couple entre les trains avant et arrière de manière variable. Enfin, en 1989, la motorisation de base à 2 soupapes par cylindre a évolué pour recevoir 4 soupapes, portant alors la puissance à 220 chevaux. La cylindrée du bloc, cette fois tout en aluminium, a également été revue à la hausse, passant de 2.144 à 2.226 cc. C’est avec cette motorisation que nous avons eu le plaisir de passer un excellent moment.
Raffinement insoupçonné
Quand on tombe nez à nez avec l’Ur-Quattro, elle n’impressionne pas tant que cela. Il faut dire qu’on a tous en tête les très musclées versions de rallye, ou encore la Quattro Sport de 306 ch, lancée en 1984. En matière de style, c’est la partie arrière qui est la plus remarquable. En revanche, une fois à bord de cet exemplaire de 1991, la qualité des matériaux laisse sans voix (ce qui était moins le cas durant les premières années de production) : l’assemblage est fidèle à la rigueur germanique et les matériaux ont été soigneusement sélectionnés, à tous les niveaux. Certaines voitures électriques modernes auraient même de quoi rougir ! Bon, d’accord, le tableau de bord numérique a vieilli, mais ça donne la banane lorsqu’on se remémore les années 1980 et 1990.
Petit coup de clé et le 5 cylindres s’éveille très discrètement. Aucune vibration particulière. Quel confort auditif et sensoriel ! On passe la première et nous voilà partis pour un petit tour champêtre aux alentours d’Ingolstadt. Les débattements de la boîte ne sont pas spécialement courts mais le guidage est ultra-précis, avec des verrouillages fermes. Cette très agréable surprise nous rappelle qu’on est à bord d’un « petit » coupé sportif (4,4 mètres de long quand même). Le moteur est d’une souplesse insoupçonnée, même sous 3.000 tr/min. Le feulement typique du 5 cylindres se fait entendre mais, comme au démarrage, de manière très élégante.
Il n’empêche, on n’a qu’une envie : l’emmener au-delà des 3.500 tr/min, là où la hargne se fait sentir. Quel plaisir ! Et quelle facilité.
En fait, le seul élément qui nous rappelle que nous sommes dans une voiture de 1991, c’est l’attaque de la pédale de freins qui manque de mordant. Mais pour le reste, cette Audi Ur-Quattro reste très moderne dans son maniement. Le calibrage de la direction n’est pas celui d’une Porsche, mais la précision et le retour d’informations sont au rendez-vous.
Vous vous en doutez, nous n’avons pas emmené cette mamie appartenant à Audi Tradition dans ses derniers retranchements. Mais le comportement est très sain, malgré les 1.380 kg. D’après les essayeurs de l’époque, ce comportement se veut plutôt sous-vireur et ce n’est pas une surprise. Mais ce n’est pas pour autant que l’Ur-Quattro ne veut pas tourner dans les virages serrés. Le plus important est de remettre les gaz au bon moment, c’est-à-dire pas trop tôt et progressivement.
Très sincèrement, on ne peut être que très agréablement surpris par le caractère moderne et plaisant de ce modèle mythique qui affichait 108.000 km au compteur. Pour en rapatrier un dans votre garage, comptez entre 25.000 et 60.000 euros environ. Est-ce raisonnable ? Chacun jugera.
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